A peu près de deux décennies de ce nouveau millénaire, la situation internationale est traversée par la crise du système capitaliste impérialiste. Sa décadence est visible aux pays centraux et à la périphérie. Dans la plupart d’entre eux il y a de fortes polarisations sociales, avec des phénomènes politiques à droite et à gauche, une contre-offensive économique impérialiste qui attaque fortement les conditions de vie de centaines de millions dans tous les continents et une importante réponse des luttes ouvrières, féministes, jeunes, qu’avec des inégalités logiques sillonnent le monde.
Le monde connaît de nouvelles tensions et de nouveaux débats qui préfigurent des crises prochaines, l’impérialisme américain étant affaibli mais toujours hégémonique, en essayant de se replacer dans son dispute avec la Chine. Il vise à empêcher le géant asiatique d’avoir plus d’accès à la technologie de pointe et à taxer ses produits, intensifiant ainsi la guerre commerciale. Cela pousse de nouvelles frictions inter-impérialistes, le développement de la mobilisation et des phénomènes politiques et sociaux même aux Etats-Unis.
Les derniers mouvements annoncés par Trump et sa dispute et essai d’un nouveau cadre de compromis avec la Chine (déjà devenue la seconde puissance économique mais non militaire), ainsi que la dispute entre les Etats-Unis et l’Union européenne avec la Russie (très faible économiquement mais avec une grande puissance militaire), montrent les changements qui se produisent au sein de l’impérialisme mondial et des principales puissances. Les Etats-Unis cherchent de maintenir leur hégémonie affaiblie, la Chine vise à progresser globalement, la Russie essaie de reprendre plus de pouvoir régional et mondial, l’UE traverse la pire des crises depuis sa création. Ce sont tous des exemples du nouveau contexte inter-impérialiste qui annoncent plus de frictions et de conflits autour du contrôle économique, politique et militaire au plan international.
Dans cette situation, le capitalisme impérialiste, loin de vivre une nouvelle époque de prospérité, vit une période de marqué déclin. Malgré la restauration capitaliste des années 90 en Europe de l’Est, le retour de la Chine dans le système capitaliste mondial et la contre-offensive économique globale, le capitalisme impérialiste n’a pas réussi un nouveau cycle de croissance prolongée ni un saut qualitatif d’accumulation lui permettant un véritable développement des forces productives. Bien au contraire, avec la crise mondiale et sa contre-offensive économique les conditions de vie sur la planète se détériorent de plus en plus. Ce phénomène est encore plus évident depuis le dernier crack de 2008 dans les pays centraux et non seulement dans les pays dépendants.
- Voilà pourquoi, après une longue période, des mouvements de résistance très dynamiques ont commencé à émerger chez les jeunes et les femmes aux États-Unis ou bien, après la crise du bipartisme, en plus des phénomènes de droite tels que Trump, émergent d’autres d’un signe opposé comme Sanders ou Corbyn en Grande-Bretagne, agitant des drapeaux socialistes bien que de façon diffuse.
- En Europe la crise a dévoilé et discrédité comme jamais auparavant les dirigeants traditionnels socio-démocrates et front-populistes. Devenus les exécuteurs de plans néolibéraux, ils se sont mis sans vergogne au secours des banques et des transnationales tout en plongeant des pays entiers dans la pauvreté, des millions de travailleurs et de secteurs populaires ont perdu des droits acquis au cours de décennies de lutte. Cela fait surgir des catacombes les variantes d’extrême droite et des nouveaux acteurs à gauche de la politique traditionnelle, qui, même pleins de contradictions, expriment la volonté de changement et de résistance de pans entiers de la population.
- En Amérique latine la crise a aussi accéléré l’expérience des masses avec les nouvelles références nationalistes de gauche et populistes qui ont émergé sous le feu des processus révolutionnaires du début du siècle. Au début, cette situation était utilisée par la droite pour reprendre le pouvoir dans un certain nombre de pays, générant plus de contradictions et préparant le terrain pour des affrontements nouveaux et plus graves et pour des convulsions sociales. Nous assistons aujourd’hui à la crise des gouvernements droitiers au Brésil et à l’Argentine.
- Cela a également déclenché une série de soulèvements et de révolutions en Afrique du Nord, provoquant des changements d’une telle ampleur qu’ils continuent d’avancer malgré les nouveaux coups d’Etat militaires qui ont eu lieu dans plusieurs pays où le Printemps Arabe avait fleuri.
Le monde dans lequel nous vivons ces années, de crises, guerres, polarisations sociales, crises des régimes et des partis traditionnels, et révolutions de différents types, ainsi que l’absence de révolutions socialistes triomphantes, ont rouvert de divers débats au sein des courants et des organisations de la gauche révolutionnaire et réformiste. Ces débats sont également surgis avec force chez le mouvement trotskiste international qui, dans certains pays, joue un rôle important dans la lutte des classes et dans l’expérience des constructions politiques révolutionnaires.
Plus d’un siècle après le début de l’époque révolutionnaire définie par le marxisme avec le début de la Première guerre mondiale en 1914, qui rendait visible la décadence et l’impossibilité capitaliste d’améliorer les conditions de vie dans le monde, et cent ans après la Révolution russe, il faut récupérer la pertinence des principaux piliers théoriques et politiques que le bolchevisme, les premières années de la IIIe Internationale puis la IVe ont définies pour une stratégie révolutionnaire au monde entier. C’est dans le contexte de cette réaffirmation que de nouvelles situations doivent être vues et analysées, intégrant les nouveaux éléments nécessaires, sans perdre le fil stratégique du marxisme révolutionnaire, du léninisme et du trotskisme.
1) Les différentes époques dans la montée et la décadence du capitalisme
Il est bon de revenir en arrière sur l’histoire pour se rappeler que le marxisme et notre courant ont défini que dans les derniers siècles, depuis le début des révolutions modernes, il y avait trois grandes époques de longue durée.
Il y avait d’abord l’époque de la révolution bourgeoise qui s’est développée en lutte contre le féodalisme qui était déjà un obstacle absolu pour le développement de l’humanité. Elle a duré environ deux siècles, on a eu les révolutions anglaise, américaine, française, s’est fini par la consolidation et l’extension du système capitaliste et de ses États à la fin du XVIIIe siècle.
Puis vint une époque non-révolutionnaire, celle de l’essor capitaliste, où prévalait l’avancée du capitalisme, de ses états, de l’ensemble de la société et le développement des forces productives. À cette époque, les acquis des travailleurs et du peuple avançaient de façon réformiste. À la fin du XIXe siècle on a vu les plus grandes acquis sociaux, une énorme accumulation capitaliste et, en même temps, la montée des monopoles et de l’impérialisme, ce qui anticipaient la crise qui allait se produire des décennies plus tard.
Depuis 1914 à aujourd’hui nous vivons une époque révolutionnaire, celle de la nécessité de la révolution socialiste internationale. Elle a commencé avec le début de la Ie Guerre mondiale, dont la stagnation des forces productives et les conflits inter-impérialistes ont provoqué la mort de millions de personnes. Avec la Révolution russe le premier triomphe révolutionnaire est accompli et « s’est mise en action la classe sociale qui peut accomplir les deux tâches essentielles pour faire avancer les forces productives : en finir avec la propriété privée et avec les frontières nationales, pour établir une économie mondiale planifiée. En effet, c’est parce que la classe ouvrière est internationale, elle est la même dans tous les pays, elle ne peut pas devenir une nouvelle classe propriétaire exploitante des autres, pour une raison simple : avec les autres secteurs exploités elle constitue la grande majorité de la société. Dans les deux aspects elle est totalement différent des classes qui ont joué auparavant un rôle révolutionnaire. La bourgeoisie, par exemple, était une classe minoritaire et exploiteuse depuis sa naissance. La révolution ouvrière socialiste est, pour la première fois dans l’histoire, la révolution de la majorité de la population. » (Nahuel Moreno, Révolutions du 20ème siècle)
Depuis lors le monde vit entre guerres et révolutions, avec misère, famine, retour aux maladies médiévales et avec un développement inégal et combiné au plan technologique et scientifique qui a d’énormes progrès mais qui dans les mains du capitalisme impérialiste n’est pour toute l’humanité mais que pour quelques secteurs dans certains cas et que pour une minorité claire dans d’autres. C’est l’époque de la révolution socialiste internationale car il n’y a aucune possibilité réformiste que le capitalisme obtient des progrès pour tous ni d’améliorer les conditions de vie de l’humanité. En fait, au cours des dernières décennies le système a avancé qualitativement en mettant en danger la vie humaine, la nature et la planète entière avec sa méthode irrationnelle de destruction, de contamination et de pillage à grande échelle. Pendant ce temps, aux pays d’Europe centrale et aux États-Unis le niveau de vie atteint ces dernières décennies est en baisse.
L’année 2018 arrivée, nous continuons dans cette époque de crise et de révolutions, de perspective de la révolution socialiste comme objectif essentiel, face au déclin du capitalisme impérialiste qui avec des changements et des nouveaux acteurs ne peut pas garantir des progrès pour l’humanité ni ceux-ci peuvent être atteints par une somme de réformes.
Le fait que nous restons dans cette époque n’est pas synonyme de facilisme ni de partialité, dans le sens de croire que la réalisation de la révolution socialiste internationale soit facile, sûre de concrétiser ou une tâche à résoudre rapidement. Au contraire, dans le cadre de la crise capitaliste et de nombreux appareils politiques et syndicaux, toute sorte de directions continue d’agir pour éviter un cours révolutionnaire. Par conséquent, au cours des dernières décennies, aucune révolution socialiste triomphante n’est devenue des diverses révolutions et chutes de gouvernements et de régimes. Le capitalisme est en déclin, la révolution socialiste est nécessaire et possible, mais il y a une lutte quotidienne et acharnée dans tous les pays contre les directions qui empêchent un cours révolutionnaire.
Pour que la révolution socialiste avance les problèmes ne sont pas essentiellement dans les conditions objectives, mais centralement dans les conditions subjectives : les directions contre-révolutionnaires et réformistes qui agissent sur le mouvement de masse pour arrêter les luttes et l’avancée de la conscience de millions. C’est contre ces directions que nous agissons, c’est pourquoi nous avons besoin de partis et d’organisations révolutionnaires solides pour mener partout ces luttes politiques et sociales, puisque le développement de ces partis révolutionnaires est essentiel pour vaincre les partis du système et pour aider à faire des grands sauts dans la conscience de millions.
Voilà pourquoi nous rejetons les analyses-justification des courants qui définissent qu’« il n’y a pas de rapport des forces » pour avancer des mesures anticapitalistes et socialistes, que la classe ouvrière est fragmentée, que « les conditions ne sont pas mûres », comme si entre la réalité et la politique du capitalisme impérialiste il n’y aurait rien. Pour le marxisme les conditions sont toujours liées aux actions des directions, y compris les actions de la direction révolutionnaire. Trotsky l’a bien expliqué dans son texte Classe, parti et direction : « La victoire d’Octobre constitue un témoignage sérieux de la ‘maturité’ du prolétariat. Mais c’est relatif. Quelques années plus tard, c’est ce même prolétariat qui a permis à la révolution d’être étranglée par une bureaucratisation qui a émergé de ses propres rangs. La victoire n’est pas le fruit mûr de la ‘maturité’ du prolétariat. La victoire est une tâche stratégique. Il faut utiliser les conditions favorables d’une crise révolutionnaire pour mobiliser les masses. En partant du niveau déterminé de sa ‘maturité’ il faut le pousser à aller en avant, lui apprendre à se rendre compte que l’ennemi n’est pas omnipotent, qu’il est déchiré par ses contradictions, que la panique règne derrière sa façade solennelle. Si le parti bolchevique n’avait pas réussi à faire ce travail on ne pouvait même pas parler de révolution prolétarienne ».
Nous ne sommes pas d’objectivistes parce que nous ne croyons pas que les conditions objectives, plus que mûres depuis des décennies au plan mondial, aboutissent par elles-mêmes au triomphe de la révolution socialiste. Nous ne sommes non plus de sceptiques ni faisons d’analyses autojustifications pour attribuer au mouvement de masse la responsabilité des directions qui ralentissent, qui démoralisent et qui dévient. Nous restons attachés à la méthode d’analyse marxiste pour définir une politique révolutionnaire, transitoire, anticapitaliste et socialiste, pour disputer la direction et fondamentalement pour continuer à construire nos organisations révolutionnaires, sans lesquelles un monde meilleur sera impossible à réaliser.
2) Les différentes étapes de cette époque révolutionnaire
Durant le développement de cette époque il y eut de différents moments. En fait, la tendance a changé plusieurs fois au cours des cent dernières années. Nous avons traversé plusieurs étapes, comprenant que pour nous une étape est une période modérément longue où les rapports de force entre les classes restent d’une certaine manière. C’est-à-dire, une étape change quand il y a un grand changement dans ces rapports de force au niveau international.
Depuis la victoire des bolcheviks jusqu’à aujourd’hui, nous avons identifié quatre grandes étapes :
- La première étape a été ouverte par la Révolution russe, c’était d’offensive révolutionnaire.
- La seconde s’est ouvert au milieu des années 1920, contre-révolutionnaire, avec la défaite des révolutions allemande et chinoise, la montée du fascisme en Italie, le triomphe d’Hitler en Allemagne, puis la défaite de la révolution espagnole, combinée à la défaite des bolcheviks et le triomphe de la bureaucratie stalinienne en URSS. Cette étape a duré jusqu’à la fin de la IIe Guerre mondiale, lorsque le monde a connu un nouveau changement qualitatif.
- La troisième étape était encore révolutionnaire et a commencé par la défaite du fascisme et la fin de la guerre, l’un des plus importants triomphes révolutionnaires de l’humanité, suivie de l’expropriation de la bourgeoisie dans de nouveaux pays, processus arrêté et non élargi à toute l’Europe occidentale pour la trahison des PC. L’énorme contradiction de cette période historique fut le renforcement du stalinisme. On a eu aussi la victoire des révolutions chinoise et cubaine. Puis on a eu des pics de montée en 1968 avec le Mai Français et ses répercussions au monde entier, l’importante défaite des américains au Vietnam au milieu des années 70 et d’autres processus importants. Aux années 80 l’impérialisme a mené une autre politique avec Reagan et Thatcher comme des chefs politiques d’un néolibéralisme qui s’approfondirait aux années ’90.
- La quatrième étape s’est ouverte avec la chute de l’ex-URSS et des états ouvriers bureaucratisés de l’Europe de l’Est.
La chute du stalinisme et la fin de l’ex-URSS
Il est évident que les événements des années 1990 ont provoqué d’énormes changements qui affectent encore la situation internationale et les débats de gauche sur la nature de ces changements, le monde que nous avons depuis lors, la politique et la stratégie à défendre aujourd’hui.
Les événements des années 90 dans l’ex-URSS signifiaient un nouveau et très important changement d’étape, pas d’époque. Comme nous l’avons déjà expliqué, la période réformiste où le capitalisme avait encore quelque chose à offrir est morte avec la Ie Guerre mondiale et ne reviendra plus. C’est pourquoi le besoin urgent de la révolution socialiste demeure.
La complexité de la situation explique que la nouvelle étape mondiale ouverte aux années 90 ait eu un signe contradictoire : d’un côté positif, pour l’acquis extraordinaire qui signifiait mettre fin au plus infâme appareil contre-révolutionnaire connu de l’humanité, le stalinisme ; et de l’autre côté négatif, parce que le coût payé était très élevé : la restauration capitaliste et l’effondrement en chaîne des Etats ouvriers bureaucratisés.
En réalité, dans les États qu’il dirigeait, le stalinisme avait depuis longtemps détruit les acquis de la révolution et avait imposé un régime dictatorial qui, ajouté aux difficultés économiques, était aggravé par une répression constante et l’absence de libertés démocratiques minimales. Ce n’était pas une contre-révolution triomphante qui ouvrait la voie à la restauration capitaliste, mais une révolution démocratique après l’autre qui a mis fin à la domination du stalinisme dans un tiers de la planète. Les confusions de la conscience que ces décennies de dictature stalinienne signifiaient, l’absence d’une direction révolutionnaire de masse et internationalement reconnue, empêchaient de capitaliser cette énergie, d’éviter la restauration et de diriger les actions des travailleurs vers un régime de démocratie ouvrière.
L’hypothèse théorique mise en avant par Moreno et défendue par notre courant ne s’est pas produite : que la révolution politique se développerait en deux étapes. La première, démocratique, où le trotskisme serait renforcé et des instances de double pouvoir émergerait, et la seconde, où les travailleurs mobilisés avec leurs organisations révolutionnaires en tête établiraient un régime de démocratie ouvrière. Dans ces pays on n’a pas eu besoin d’une contre-révolution sanglante pour restaurer le capitalisme. Tout cela a causé une grande confusion dans les rangs de notre courant et de la gauche en général, ouvrant la voie à toutes sortes d’interprétations mauvaises, sceptiques, opportunistes et/ou sectaires.
Ce qui s’est passé ne fut non plus comme l’impérialisme l’attendait. La restauration capitaliste dans le tiers de la planète où la bourgeoisie avait été expropriée et la contre-révolution économique que l’offensive néolibérale a déclenchée sur les travailleurs du monde entier n’ont pas ouvert la voie à une nouvelle période de prospérité capitaliste et de développement soutenu des forces productives.
La chute du stalinisme a fait exploser l’ordre mondial émergé de la Seconde guerre mondiale, ordre que l’impérialisme n’a pas pu stabiliser à ce jour. Depuis lors nous assistons à une situation internationale d’instabilité et de forte polarisation, avec des phénomènes politiques de toutes sortes, tant à droite qu’à gauche, et de moins en moins d’espace pour les gris termes moyens. Bien qu’il y ait encore des difficultés et un grand retard dans la conscience, de nombreuses confusions tendent lentement à se dissiper et chaque jour se développent les possibilités de construire des alternatives anticapitalistes larges et aussi des partis révolutionnaires. Ce qui reste décisif face à ces tâches c’est l’attitude que prenons nous, les révolutionnaires.
Des événements de 2008 à aujourd’hui
Depuis le début de cette étape contradictoire jusqu’à aujourd’hui, nous avons vécu trois moments différents :
a) Des années ’90 à C’était les années des confusions majeurs dans la conscience, où plus perçait la campagne impérialiste que le socialisme avait échoué et plus avançait l’impérialisme (restauration, réformes néolibérales);
b) Dès le début du siècle à 2008. Les émeutes révolutionnaires triomphantes en Amérique latine commencent à renverser la période antérieure. Bien que les confusions ne se dissipent pas, on commence de nouveau à parler de socialisme;
c) Dès 2008 à l’actualité. La crise pénètre dans les pays centraux et change complètement la situation politique mondiale.
Le crack et l’effondrement de l’économie mondiale qui a eu lieu en 2008 finit avec les illusions de ceux qui prédisaient le triomphe définitif du système capitaliste. C’était un point d’inflexion qui a changé le paradigme et, comme nous le disons à l’époque, « c’était comme le mur des capitalistes ». Depuis lors, ils ne peuvent pas expliquer ni convaincre que leurs plans soient positifs.
En 2008 s’est produit un très grand changement. C’est pourquoi quelques camarades considéraient la possibilité que se serait produit un nouveau changement d’étape. Mais, en réalité, à côté des changements restaient beaucoup de points de continuité avec l’étape ouverte aux ’90. En principe, vu d’aujourd’hui, nous sommes enclins à croire que 2008 a été un changement dans la même étape ouverte avec la chute du stalinisme et la restauration capitaliste, qui a provoqué un rapport de forces plus favorable aux travailleurs car la montée est entrée dans les États-Unis et dans d’autres pays impérialistes en montrant la crise global du système dominant.
Cependant, la manque de directions révolutionnaires avec poids de masse et, pour cela, le fait qu’aucune des révolutions du nouveau siècle soit devenue socialiste victorieuse, lui a permis à l’impérialisme de maintenir sa contre-offensive économique avec laquelle tente de surmonter sa crise et de stabiliser un peu la situation globale.
Afin d’arriver á un analyse le plus scientifique possible nous devons également récupérer la catégorie de situation, car dans une étape on peut trouver des conjonctures différentes et c’est dans celles-là où nous agissons et nous devons déployer notre politique.
Bref, la résistance des travailleurs et d’autres secteurs exploités et opprimés face aux plans néolibéraux ; la crise des régimes politiques, des partis, des dirigeants traditionnels qui ont mené ces plans, les révolutions qui ont eu lieu en Amérique latine et au Moyen orient en ce nouveau siècle, démontrent qu’aux années 90 ne s’est pas produit une défaite d’une telle ampleur pour la classe ouvrière qui bloque toute perspective socialiste à futur, imposant pour des décennies ou plus un rapport des forces complètement favorable aux intérêts des exploiteurs (comme le croient d’autres courants internationaux qui ont directement abandonné la lutte pour le socialisme et la construction des partis révolutionnaires).
3) Pertinence théorique, programmatique et organisationnelle du léninisme-trotskisme
À notre avis, l’époque et l’étape du monde actuel réaffirment trois axes centraux de notre cadre théorique et politique : la théorie de la révolution permanente, la méthode du Programme de transition et la construction des partis révolutionnaires léninistes. Bien sûr, au fur et à mesure que les décennies passent, dans un nouveau siècle, il faut faire des logiques mises à jour. Il nous faut faire face à cette tâche de toute urgence. Mais nous nous référons centralement à la validité de l’essentiel de cet héritage qui nous pourrions synthétiser ainsi :
- La révolution socialiste, a un caractère permanent et international. Bien qu’elle commence dans un certain pays, les processus révolutionnaires doivent progresser de façon permanente, tant à l’intérieur de ses frontières avec des mesures anticapitalistes et socialistes qu’à l’extérieur de ses frontières cherchant à élargir la révolution. Toutes les révolutions que nous avons vécues à travers un siècle et qui ne l’ont pas fait ont inévitablement ralenti, reculé, finalement été vaincues. La loi des révolutions dans le cadre du capitalisme impérialiste est catégorique : soit on avance à l’échelle internationale, soit on recul. D’où le besoin de l’organisation internationale des révolutionnaires, comme les bolcheviks l’ont fait dès qu’ils ont pris le pouvoir en Russie en concentrant d’énormes efforts sur la fondation de la Troisième internationale. Comme Trotsky et ses camarades l’ont fait après la dégénérescence du PC russe, en investissant du temps, des dirigeants et des cadres dans la fondation de la IV. De même aujourd’hui, à une époque encore révolutionnaire, notre internationalisme militant a des bases scientifiques et politiques.
- Il y a de différents types de révolutions, mais toutes elles font partie de la révolution socialiste internationale. Il y a des révolutions démocratiques contre les gouvernements et les régimes politiques autoritaires, et aussi directement anticapitalistes ; il y a actuellement une révolution féministe et d’autres processus. Mais tous sont concaténés, car pour réussir elles doivent vaincre le système capitaliste et patriarcal et avancer vers le socialisme. C’est pourquoi nous agissons dans chacun de ces processus avec des politiques concrètes et, à leur tour, avec un programme de mots d’ordre qui en transition tentent de faire avancer le processus vers de nouvelles tâches sans s’arrêter.
- La classe ouvrière reste le sujet social de la révolution socialiste. Bien que parfois les processus soient dirigés par d’autres classes exploitées ou que le prolétariat lui-même dirige des tâches qui appartiennent historiquement à d’autres classes, la révolution socialiste pour avancer exige que la classe ouvrière devienne l’acteur principal. À son côté et d’autres secteurs populaires, le mouvement féministe et la jeunesse sont actuellement deux moteurs principaux de la plupart des processus de mobilisation et de nouveaux phénomènes politiques et, par conséquent, sont des secteurs très importants pour notre intervention et construction.
- Les conditions objectives, matérielles, économiques, pour la transition du capitalisme au socialisme restent plus que mûres depuis un siècle. « La crise historique de l’humanité s’est réduite à la crise de la direction révolutionnaire » (Trotsky, Programme de transition Program). C’est pourquoi il est essentiel de ne pas abandonner la construction du seul outil politique capable de combattre et de vaincre les directions traîtresses du mouvement ouvrier, donnant ainsi une impulsion à la mobilisation permanente et aux nouveaux organismes démocratiques d’autodétermination qui émergent dans les crises révolutionnaires et disputer le pouvoir à la bourgeoisie. Cet outil est le parti révolutionnaire, de combat, léniniste, formé par des militants professionnels et dans le centralisme démocratique. Bien entendu, ce type de parti n’a rien à voir avec la caricature grotesque et bureaucratique qui répandait le stalinisme et qui a même imprégné certains courants qui se revendiquent du trotskisme. Nous défendons la démocratie interne la plus large, le droit de s’organiser en tendances et en fractions, nous entraînons nos cadres et nos militants contre le dogmatisme et dans l’obligation de penser et de repenser librement.
C’est sur ces bases théoriques et politiques que nous développons l’analyse scientifique et marxiste de la situation internationale actuelle et la politique pour chaque pays où nous intervenons.
4) Mobilisation ou voie électorale. Détruire l’Etat bourgeois ou le réformer
Parmi les organisations de gauche, révolutionnaires, centristes ou réformistes, d’importants débats continuent à se développer sur si la participation électorale a un sens tactique ou stratégique et sur le rôle des révolutionnaires dans des alternatives politiques larges situées à gauche des anciennes parties et qui dans certaine conjoncture gagnent de plus en plus de poids électoral.
Là-dessus, nous pensons que toute l’expérience historique des mécanismes de la démocratie bourgeoise démontre qu’il n’y a aucune possibilité que, par cette voie, nous en tant que (extrême) gauche puissions avancer vers nos objectifs stratégiques (en Amérique du Sud, le Chili de 1970 à 1973 en était l’exemple tragique le plus évident). En outre, à l’heure actuelle, en raison du poids des grands médias, des partis et des institutions du régime, et en raison de leur action sur le niveau de conscience des masses, il n’est pas posé que les forces anticapitalistes et révolutionnaires parvenons au gouvernement par la voie électorale, à moins d’abandonner, chemin faisant, le programme et les principes.
La réalité des dernières décennies est que lorsqu’une force nationaliste diffuse anticapitaliste, anti-impérialiste ou nationaliste de gauche avance électoralement, un processus d’adaptation majeure commence, elle atténue son programme et son discours, cède à la pression du régime dans son ambition de gagner les élections, en s’éloignant donc ainsi d’une perspective révolutionnaire.
Un exemple de cela est la métamorphose subie par le PT et Lula, qui changeait son programme anticapitaliste des origines jusqu’à devenir l’exécuteur des plans néolibéraux au Brésil et le contrepoids aux avancées révolutionnaires qui ont eu lieu avec force dans la région à partir du nouveau siècle. Cela n’empêchait pas la bourgeoisie brésilienne, quand ils étaient épuisés par l’application de plans anti-ouvriers, de s’en débarrasser de la pire façon.
De même s’est produite avec Syriza qui déjà avant son triomphe a commencé à céder des positions sur des questions clés et qui à peine il a pris le gouvernement a totalement capitulé devant la Troïka.
C’est ça qui s’est passé à Podemos qui a abaissé son programme lorsque son premier saut électoral et sans avoir encore gagné les élections. C’est ce qui commence à se produire maintenant avec la majorité du PSOL, qui cède devant le PT et le régime brésilien. C’est ce qui s’est passé au Bloc de gauche du Portugal contre le gouvernement PS. C’est ce qui arriverait sûrement si le Front large chilien progressait plus électoralement ou le Mouvement Nouveau Pérou.
Il y a aussi l’exemple important du recul du bolivarisme qui a remporté sa première élection en défendant un modèle de « troisième voie » et de centre-gauche. Poussé par la mobilisation, a avancée à être un nationalisme de gauche. Mais pour ne plus avancer ni dedans Venezuela ni dehors a fini par régresser à un projet d’appareil étatique-électoral, bonapartiste, répressif qui a consolidé un capitalisme d’état avec de l’ajustement et de la soumission.
La logique électoraliste, d’alternatives dominées par des directions petites-bourgeoises ou réformistes, les conduit toujours à capituler au régime capitaliste et à ne pas transcender de façon révolutionnaire. C’est pourquoi il est essentiel de préciser que la règle de ces constructions électorales larges est toujours de se subordonner au système. Et c’est pourquoi notre politique est celle de l’unité/confrontation pendant une période et de la rupture lorsqu’il y a un changement qualitatif dans l’adaptation. S’il y a un cas exceptionnel motivé par un fort processus de mobilisation/révolution, nous discuterons une politique spécifique. Mais l’essentiel à définir aujourd’hui est que, globalement, ces alternatives électorales ne pointent pas sur notre stratégie finale. Voilà pourquoi nous devons être clairs, pour nous n’est pas posé de faire partie d’un futur gouvernement de ce type d’organisations.
C’est pourquoi il est fondamental qu’au-delà de toutes les tactiques que nous employons si nous agissons un temps dans ces phénomènes, nous ne devons pas perdre de vue que notre stratégie est très différente de celle des directions avec lesquelles nous sommes alliés épisodiquement. Ils vont abaisser leurs programmes dans les efforts d’améliorer leur score électorale, par contre nous allons soutenir notre politique même si cela ne nous favorise pas électoralement, parce que nous ne croyons pas à la voie électorale mais à la construction de grandes organisations révolutionnaires qui utilisent tactiquement les élections pour nous rendre visibles et nous fortifier, mais ne croyant qu’à la stratégie de la mobilisation permanente, de l’insurrection, de la prise du pouvoir, du développement des organismes d’autodétermination et du double pouvoir du mouvement de masse.
Tout cela réactive les débats historiquement développés par le marxisme et par Lénine en particulier sur l’Etat bourgeois. Depuis les dernières décennies du 20ème siècle et le début du ce XXIème siècle, avec leurs fausses idéologies certains courants se posaient à nouveau la possibilité de réformer l’Etat bourgeois de l’intérieur ou de prétendre radicaliser la démocratie actuelle. Ils croient qu’en changeant les personnes qui dirigent l’Etat ou en améliorant une partie de ses institutions actuelles il peut changer de caractère. Et par le biais de cette conception réformiste et antimarxiste ils mettent de côté la nécessité de détruire l’État bourgeois comme politique essentielle pour un changement révolutionnaire.
Nous continuons à croire que l’État représente la classe sociale qui dirige et qui a des institutions pour opprimer les autres classes de sorte que, la possibilité de prendre le pouvoir venue, la tâche stratégique est celle de liquider toutes les institutions de l’Etat précédent, en commençant par les forces armés et de sécurité (son pilier essentiel de domination), ainsi que les institutions judiciaires, politiques, en rompant le rapport Etat/Eglise.
Sur la base de la destruction de l’Etat bourgeois, nous allons construire de nouvelles institutions ouvrières, populaires et d’auto-organisation, de façon transitoire, en lutte pour défendre notre révolution et l’élargir à l’échelle internationale. Sans oublier jamais que notre stratégie finale, pour la société socialiste à laquelle nous aspirons, est l’élimination de toute inégalité de classe et donc l’élimination de l’Etat d’une classe contre l’autre qui n’existera plus.
5) Le chemin de la Révolution russe et sa validité
Un peu plus d’un siècle s’est écoulé depuis la première révolution socialiste réussie en 1917. Depuis lors, toutes sortes d’expériences et de phénomènes politiques et sociaux ont eu lieu. Il y eut de nouvelles révolutions triomphales, des défaites, des dégénérescences bureaucratiques, des avancées à de nouvelles expropriations, puis des crises et restauration capitaliste; des guerres mondiales et régionales, crises et révoltes de toutes sortes.
De partis, courants, organisations de gauche à toutes les sauces ont été construits et, à la fin du XXesiècle, ont surgit les théories fallacieuses contre le parti léniniste et en faveur d’une supposée horizontalité qui n’est rien d’autre qu’une organisation qui ne veut pas disputer le pouvoir de l’Etat ni le détruire et pour cela adopte donc des formes organisationnelles et politiques réformistes, personnalistes et bureaucratiques dans la plupart des cas.
Le désastre provoqué par le stalinisme là où il avait pris le pouvoir, les campagnes à travers des usines impérialistes, ont créé des doutes chez plusieurs générations sur les possibilités de vaincre le capitalisme, sur la validité ou non de la révolution et avec quelles méthodes et quel type d’organisation est-il possible de provoquer des changements de fond.
Toutes les théories horizontales, postmodernes, électoralistes, réformistes, postmarxistes comme celles de Laclau, qui sont à la mode chez des courants tels que Podemos, Unidad Ciudadana et d’autres forces, s’appuyaient d’une manière ou d’une autre sur ces confusions.
Cependant, alors que l’histoire a suffisamment montré que seule avec la mobilisation révolutionnaire des masses et avec quelque sorte d’organisation centralisée à leur tête est possible de provoquer des changements révolutionnaires, tous les secteurs qui ont pris ces fausses idéologies ne peuvent montrer que des échecs et que de l’impuissance face au pouvoir établi.
Le courant international que nous sommes en train de construire rejette toutes ces théories révisionnistes et réactionnaires. Nous revendiquons la totale validité de la stratégie et des méthodes de la Révolution russe et du bolchevisme, ainsi que notre propre et riche histoire du trotskisme en Amérique latine. Nous croyons en l’essentiel de tout cet héritage, nous luttons pour le même objectif. Nous savons que ce n’est pas un chemin aisé, que notre victoire n’est pas garantie. C’est un combat politique, une lutte de classes et d’idées. Nous savons également que chaque phénomène et chaque processus est différent et a ses particularités, mises à jour, élaborations nécessaires. Mais la stratégie commune de lutte pour vaincre le système capitaliste mondial, ses États, ses régimes, ses institutions, ses partis et ses bureaucraties qui le soutiennent est la même.
Pour tout cela nous considérons essentiel, à part la construction de partis révolutionnaires à chaque pays, l’organisation internationale des révolutionnaires à un niveau supérieur à toutes les constructions nationales. C’est pourquoi nous promouvons l’organisation de notre courant internationale comme une tâche prioritaire et dans ce cadre-là nous interagissons avec d’autres organisations et camarades avec lesquelles nous avons des accords et des différences. A partir de notre courant nous voulons de renforcer l’intervention politique dans tous nos pays, de diffuser nos opinions et propositions politiques. Nous le savons, au-delà des inégalités logiques dans la construction dans chaque pays (parti, courant, groupe fondateur), le cap politique est le même : de renforcer la formation des structures de direction et des cadres pour consolider partout les partis révolutionnaires de caractère léniniste et trotskiste, en tant que tâche stratégique et incontournable.
6) Le parti révolutionnaire
Près de 30 ans se sont écoulés depuis l’effondrement du stalinisme en tant qu’appareil contre-révolutionnaire globalement centralisée. Malgré des forces comme les cubains ou des partis pro-staliniens qui continuent à agir dans certaines régions avec plus ou moins d’incidence.
Contrairement à ce qui s’est passé à l’étape antérieure, aucune des révolutions qui ont eu lieu n’a fini par exproprier, les dirigeants qui étaient en tête ne sont pas allés au-delà de leurs limites programmatiques et de classe. Celle qui avançait plus fut peut-être celle que dirigeait Chávez, bien qu’il n’ait jamais dépassé les limites du capitalisme et après un certain temps il a fini par retourner à la phase catastrophique actuelle.
La disparition du stalinisme en tant qu’appareil mondial, la soumission inconditionnelle au système capitaliste de toutes les directions petites-bourgeoises, bureaucratiques, nationalistes de gauche, « progressistes » qui résultèrent de sa chute, ont fini l’étape où « l’exceptionnel » avait devenu « la règle ».
C’est pourquoi nous devons nous armer que sans mobilisation insurrectionnelle de la classe ouvrière, crise révolutionnaire, organisations démocratiques de double pouvoir, parti révolutionnaire avec influence de masses, il sera impossible de vaincre le capitalisme et d’avancer vers le socialisme.
En outre, à cette étape il sera de plus en plus difficile d’obtenir de victoires partielles et durables, soit démocratiques, soit sociales, sans l’existence de forts partis révolutionnaires. D’où l’importance de ne pas perdre la stratégie. L’axe de notre orientation est de débattre comment est-ce que nous avançons dans la construction de nos groupes et nos partis.
L’actualité d’une série de tactiques
À part de politiques correctes, le parti se construit en utilisant de différentes tactiques.
On ne va pas développer ici le besoin quotidien de l’unité d’action avec d’autres directions syndicales, politiques, sociales, féministes ou des droits de l’homme pour faire face aux attaques des gouvernements, des patrons ou de la bureaucratie contre les travailleurs, les femmes, les jeunes ou d’autres secteurs sociaux agressés ; ou des attaques contre les libertés démocratiques ou de la part de l’impérialisme qui peuvent exceptionnellement nous forcer à développer des actions auxquelles participent des secteurs bourgeois. L’important est de savoir que ce type d’intervention est épisodique et que même au feu de l’action nous n’arrêtons de critiquer les directions réformistes, petites-bourgeoises, voire bourgeoises avec lesquelles nous pouvons nous mobiliser. Autrement dit, nous appliquons ce que nous appelons l’unité-confrontation.
Une autre chose très différente est le front unique ouvrier. Cette tactique vise les partis ouvriers opportunistes et sectaires, selon les circonstances. C’est justifié lorsque la classe ouvrière est brutalement attaquée ou lorsqu’il existe un réel danger de coup d’État. Elle a le double objectif de renforcer la riposte du prolétariat tout en démasquant l’incohérence des opportunistes et sectaires. Elles sont plus durables que l’unité d’action et comprennent des instances communes, bien que nous conservions toujours l’indépendance politique et nous dénoncions les inconsistances de nos alliés circonstanciels. Les syndicats, commissions d’entreprises, coordinations, sont également des organisations du front unique ouvrier car nous y coexistons avec des courants réformistes.
Le campisme
Les affrontements de certains gouvernements avec l’impérialisme (Maduro, Al Assad) ou des directions traîtres avec des secteurs réactionnaires de la bourgeoisie (Lula) ou des populistes en déclin (kirchnerisme, Evo) sont utilisés par des opportunistes pour essayer de faire taire toute critique vers eux, en accusant de complicité avec l’impérialisme à ceux qui au quotidien les battons, pour faire le jeu de la droite. Il faut de ne pas céder à ces pressions et de maintenir la critique la plus sévère face aux outrages qui commettent eux tous, entre autres parce que ce sont leurs actions celles qui finissent par renforcer la droite et l’impérialisme.
Les partis « anticapitalistes » larges
La débâcle du stalinisme après la chute de l’URSS, la crise terminale de la social-démocratie à cause de son rôle actif en faveur des politiques néolibérales, l’échec des gouvernements nationalistes de ce nouveau siècle, la contre-révolution économique qui les gouvernements déchargent sur les travailleurs depuis des années, auxquels il faut ajouter la faiblesse du trotskisme dans la plupart des pays, a généré de nouveaux phénomènes politico-électoraux basés sur des regroupements large diffuse anti-impérialistes et anticapitalistes. Malgré les limitations stratégiques de ces espaces et le caractère petit-bourgeois et non révolutionnaire des directions de ces processus, nous considérons une erreur sectaire, fréquente dans certaines organisations qui se revendiquent aussi du trotskisme, de refuser par principe de participer à ces expériences et de s’adresser pour un temps, là-dedans, aux travailleurs et aux jeunes qui en sont attirés.
Plus précisément, nous ne considérons pas erronée la tactique de faire partie pour une période de Podemos en Espagne, du Bloc de gauche au Portugal, de Die Linke en Allemagne, ou même de Syriza à ses débuts, pour essayer de construire des courants révolutionnaires au sein de ces constructions larges. Ce qui n’est pas correct est de faire du suivisme aux directions réformistes de ces processus, de ne pas avoir de politiques publiques différenciées, d’abandonner la stratégie de construction du parti révolutionnaire, de se dissoudre dans ces regroupements.
Bien qu’il n’y ait pas de modèle et que les alternatives apparues ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre, on peut dire autant de la participation à la construction du PSOL au Brésil, de la politique menée par Marée socialiste au Venezuela dans le PSUV, de tenter d’avoir une politique face aux phénomènes tels que le Front Large au Chili ou le mouvement Nouveau Pérou.
À cette étape, dans divers pays il ne sera pas possible de réaliser des progrès qualitatifs dans notre construction (ou le cas arrivé, de disputer l’influence de masses) sans avoir de tactiques larges face aux nouveaux phénomènes qui se présentent ou sans avoir de politiques pour dialoguer avec ceux qui ont des expectatives sur figures tels que Sanders ou Corbyn, par exemple. Cela ne nie pas que dans certaines réalités nationales la tactique privilégiée puisse être l’unité du trotskisme ou de la gauche radicale. En Argentine, par exemple, aujourd’hui l’unité qu’il fallait (et qui n’existe pas par responsabilité des courants sectaires) c’est l’unité du FIT et de la Gauche au Front, en appelant le reste de la gauche organique, indépendant et social à se joindre.
Lorsque nous nous engageons dans des expériences de ce type, parfaitement valables à cette période, nous devons être clairs sur ses limites et sur la durée limitée de cette tactique. En utilisant l’exemple du train qui s’arrête à plusieurs stations pour atteindre la dernière (pour nous, la révolution socialiste internationale), on peut dire qu’il est un fait que ces types d’alternatives peuvent jouer un rôle progressif jusqu’à un certain point de la route, mais puis le plus probable est qu’elles changent de caractère jusqu’à devenir réactionnaires. Plus tôt que prévu, notre programme entrera en contradiction avec les dynamiques qui prendront les composantes les plus réformistes, ce type de constructions soit éclateront soit nous finirons par rompre avec elles. Il s’agit donc de profiter les opportunités qui se présenteront avant, durant et après pour renforcer notre organisation révolutionnaire.
L’unité avec des révolutionnaires
Nous transitons une étape de grands changements où la lutte de classes s’intensifie, produit des rapprochements, des ruptures, des réalignements dans une grande partie des organisations internationales et nationales de la gauche révolutionnaire.
Dans beaucoup de pays la construction ou le renforcement de nos groupes ou partis dépendra d’une politique et une orientation audace pour converger avec des groupes de révolutionnaires venants d’autres expériences organisationnelles qui sur la base des accords de principe soient prêts pour avancer et pour faire partie d’une organisation internationale comme celle que nous commençons à construire.
Dans d’autres pays la construction des sections de notre courant internationale peut provenir d’accords avec des courants ouvriers, de la jeunesse, de femmes ou d’une combinaison de toutes elles, qu’à partir de leur expérience dans la lutte de classe et d’accords programmatiques soient disposés à avancer dans la construction de partis révolutionnaires liées à Anticapitalistes en réseau.
Une part de notre orientation doit être dirigée à explorer ces ou autres opportunités pour faire des sauts dans notre construction.
Jeunesse, féminisme, dissidence
Nos groupes et partis se nourrissent de l’avant-garde qui surgit à chaque instant de la lutte des classes. Aujourd’hui, au plan global, il y a une révolution féministe et dissidente sexuelle, notamment chez la jeunesse étudiante, que nous devons souligner dans chaque pays en déployant toutes sortes de campagnes, de textes, de regroupements, en destinant de camarades et d’initiatives pour gagner leurs meilleurs représentants.
Cette vague a mis à l’ordre du jour des questions telles que la légalisation de l’avortement, l’égalité des salaires et des opportunités pour les hommes et les femmes, la violence et le harcèlement, la sexualité libre, etc. C’est un processus radicalisé qui soulève rapidement la question du système capitaliste en tant que promoteur du patriarcat, des églises et de leurs doctrines médiévales. Nous tourner avec toutes les forces disponibles là où ce processus a pris du poids de masse est clé pour profiter de cette énorme opportunité d’attirer des camarades et de renforcer la structure des cadres dont nous avons besoin pour développer nos partis.
D’ensemble, la jeunesse et principalement la jeunesse étudiante a toujours était une carrière fondamentale de cadres pour construire notre courant. Voilà pourquoi nous devons nous investir d’une manière décidée dans tous nos pays pour y obtenir une accumulation militante suffisamment importante comme pour avoir un saut qualitatif.
7) Anticapitalistes en réseau
Le cours sectaire pris d’abord par la LIT puis par l’UIT nous a obligé il y a longtemps à prendre en main le défi d’essayer de regrouper les révolutionnaires autour d’une politique d’intervention correcte dans la lutte des classes qui, sans nous isoler des processus, nous permette de construire nos organisations de façon indépendante et d’avoir des rapports avec d’autres qui pensent comme nous à l’échelle internationale. Chemin faisant, nous nous retrouvons avec des anciens camarades, nous avons connu des nouveaux camarades, renforçant des rapports plus étroites avec certains groupes, clarifiant les accords et les différences avec d’autres.
Bien que nous proposons de maintenir le statut d’observateur permanent au SU de la IVeInternationale, en fait les divergences avec les camarades sont grandes, certains sont stratégiques, comme on l’a vu lors de son dernier Congrès mondial. Malheureusement, les camarades du MES avec lesquels nous avions commencé ensemble les rapports avec le SU ont décidé, après avoir manifesté des accords totaux avec eux, de s’intégrer complètement à la IV (SU). Cela nous met devant la nécessité de réorganiser nos forces.
Concrètement, nous avons l’intention d’investir nos énergies à commencer à construire un regroupement international entre tous ceux qui, au cours des dernières années, avons construit des liens de confiance basée sur des accords théoriques, politiques, des interventions communes dans la lutte de classes. Le point de départ nous le faisons avec la conformation de « Anticapitalistes en réseau ». Nous ne prétendons pas de nous enfermer sur nous-mêmes. Bien au contraire : à partir d’organiser nos forces nous voulons nous fixer comme objectif ce de déployer une politique et une orientation offensives pour nous lier avec de larges secteurs et pour converger avec tous ces militants, groupes, partis, courants, avec lesquels nous trouvions des points communs d’intervention et d’accords suffisants pour nous poser la possibilité de faire partie d’une même organisation.
Buenos Aires, mai 2018