Résolution de la Conférence de la Ligue Internationale Socialiste (LIS) : Les tâches des révolutionnaires dans le monde d’aujourd’hui

Resolución de la Conferencia de la LIS: Las tareas de las y los revolucionarios en el mundo actual

Le 31 juillet, une nouvelle conférence internationale de la LIS s’est tenue pour débattre des enjeux et des tâches auxquels sont confrontés les révolutionnaires dans le monde d’aujourd’hui et celui à venir après la pandémie. La conférence a réuni des camarades d’organisations révolutionnaires de dizaines de pays sur cinq continents, y compris de camarades représentants de nouveaux pays comme le Kenya, la Colombie, le Pérou et le Brésil. Les débats qui ont suivi ont été traduits en espagnol, anglais, français, arabe, turc, russe et portugais. Nous partageons ici la déclaration qui a été votée à l’issue des débats.

Près d’un an et demi s’est passé depuis le début de la pandémie de Covid 19. Alors que certains gouvernements des puissances capitalistes s’empressent de crier victoire sur le virus, une grande partie de l’humanité en subit encore les conséquences et les nouveaux variants restent une menace. La campagne mondiale de vaccination a été une nouvelle démonstration que le capitalisme n’est pas capable de résoudre les besoins les plus élémentaires de l’humanité. Bien que plusieurs vaccins aient passé avec succès les tests cliniques dès le début de l’année, 8 mois plus tard, la grande majorité de l’humanité n’y a toujours pas accès. Les pays riches ont monopolisé une part importante de la production, et, les sociétés pharmaceutiques propriétaires de leurs brevets se réservent le « droit » exclusif de produire et de distribuer leur produit pour assurer le profit le plus élevé possible, bien qu’elles n’aient pas la capacité de fournir les vaccins nécessaires en temps opportun. Tout cela montre que la raison pour laquelle la pandémie continue de se propager est que le système capitaliste privilégie les profits sur la santé et la vie de millions de personnes, allant jusqu’à entraver la vaccination de masse nécessaire pour arrêter la pandémie de Covid-19.
Le monde actuel et celui qui pourrait émerger dans l’après-pandémie est loin d’offrir des garanties de stabilité. D’une part, le cycle de rébellions entamé en 2019 se réactive après une relative pause. Des rues de Colombie à la résistance au coup d’État au Myanmar, en passant par le Brésil, le Pérou, le Paraguay, l’Iran, la Palestine, 2021 a vu une montée de la lutte des classes dans le monde. La rupture avec le régime s’est même manifestée sur le terrain électoral dans des pays comme le Pérou et le Chili, où un virage à gauche s’est également exprimé, et en France, où une vague d’abstentionnisme a ébranlé les fondements de la Ve République. D’autre part, l’économie mondiale n’est pas en mesure de retrouver son niveau d’avant la pandémie, et encore moins de résoudre ses limites structurelles qui ont été fortement révélées depuis la crise de 2008. Tout cela malgré le rebond produit par les réouvertures et l’injection de milliards de dollars par les États. A ce scénario il faut ajouter les tensions inter-impérialistes croissantes qui, avec les Etats-Unis et la Chine comme protagonistes, ajoutent un facteur de déstabilisation à l’ordre mondial.
Dans ce cadre, nous, les révolutionnaires, avons d’énormes opportunités mais aussi de grands défis. La montée des masses remet en cause les directions hégémoniques de la période précédente et pose la lutte pour l’hégémonie socialiste comme une tâche fondamentale. En ce sens, nous sommes confrontés au défi de vaincre les secteurs réformistes qui, dans leurs différentes variantes, entraînent l’énergie des rébellions vers les canaux institutionnels de la bourgeoisie. Aux sectaires aussi, qui cachent leur abstentionnisme sous la rhétorique révolutionnaire. Pour y parvenir, nous devons avancer dans la construction d’organisations révolutionnaires, et dans la construction d’une organisation internationale sur des bases de principes solides et simultanément ouverts à la confluence de différentes traditions révolutionnaires.


Un monde en rébellion


Avant le début de la pandémie, un cycle de montée dans la lutte des classes avait commencé à se développer, qui dans de nombreux cas a pris des formes aiguës et s’est transformé en de véritables rébellions. Déjà, vers la fin de 2018, les manifestations du mouvement en gilets jaunes en France ont commencé à indiquer ce changement, et en 2019 des pays comme Porto Rico, l’Équateur, la Colombie, le Chili, la Bolivie, la France, la Tunisie, l’Algérie, le Liban, l’Irak, l’Iran et le Soudan, ont vécu des jours de lutte de classe intense. En 2020, la pandémie a causé une pause relative dans l’escalade des combats. Il y a toutefois eu la rébellion antiraciste historique aux États-Unis, qui a ébranlé les fondements de l’impérialisme et généré une vague de protestations et de sympathie au niveau international. Au Liban, les protestations des travailleurs et des jeunes ont renversé le gouvernement, et en Thaïlande, il y a eu un mouvement important contre le régime qui, bien qu’il ait ébranlé le système, n’a pas atteint ses objectifs. Au Chili la montée se poursuit, au Pérou la mobilisation a renversé deux gouvernements en une semaine et frappe le régime Fujimorista. En Biélorussie, malgré l’échec du renversement du gouvernement du dictateur Loukachenko, un processus de mobilisation populaire sans précédent s’est développé depuis les années 1990. Enfin, le peuple sahraoui, avec sa jeunesse en première ligne, s’est de nouveau soulevé contre l’occupation marocaine.
Dans ce cadre, lors de notre dernière Conférence internationale, en décembre 2020, nous avons affirmé que « nous entrons dans une période où la lutte des classes va s’intensifier ». Aujourd’hui, nous pouvons dire que cette prévision s’est confirmée. Au cours de cette année, une série de rébellions se sont développées qui, au-delà de leurs limites et de leurs contradictions, montrent une tendance générale à l’érosion des gouvernements et des régimes. Ils témoignent également d’une situation volatile dans laquelle une mesure d’ajustement, un acte répressif ou une autre « étincelle » peuvent déclencher d’importants processus de mobilisation et de contestation sociale. Un exemple clair en est la Colombie, où le projet de réforme fiscale du gouvernement Duque a rencontré une résistance qui s’est rapidement transformée en rébellion.


En Amérique latine, l’apparition de la Colombie et du Chili aux avant-postes de la poussée de la lutte des classes n’est pas anecdotique. Lors de l’essor révolutionnaire qui a secoué le continent dans la première décennie du millénaire, ces deux pays ont été les deux principaux bastions de la réaction populaire, avec leurs régimes et leur modèle néolibéral intacts, montrés par l’impérialisme comme exemples à suivre. Le soulèvement de leurs peuples et le déclin de ces régimes marquent un nouveau moment dans la région et un coup monumental pour la droite réactionnaire qui était arrivée au pouvoir dans plusieurs pays au cours de la dernière décennie. Cela se voit au Brésil, où la mobilisation pour se débarrasser de Bolsonaro a commencé et cela s’est aussi remarqué dans la montée qui a secoué le Paraguay il y a quelques mois. La dynamique centrale du nouveau moment que nous traversons en Amérique latine est l’usure du mouvement de masse du statu quo,


L’intensification de la lutte des classes ne se limite pas à l’Amérique latine. En juin, le régime réactionnaire des mollahs en Iran a été secoué par une vague de grèves dans le secteur pétrolier stratégique impliquant des milliers de travailleurs dans 60 entreprises dans 8 provinces. Au Myanmar, les jeunes, la classe ouvrière et les nationalités opprimées ont résisté pendant des mois au coup d’État, confrontés à une répression brutale. La paysannerie indienne a organisé d’énormes manifestations contre le gouvernement de droite Modi. L’offensive sioniste pour réaliser le nettoyage ethnique à Jérusalem-Est a rencontré une résistance massive du peuple palestinien, qui a retenti dans différentes parties du monde, avec d’immenses actions de solidarité avec le peuple palestinien à Londres, Paris, les États-Unis, etc. La lutte du peuple colombien a également déclenché une vague de solidarité internationale avec des actions importantes dans des dizaines de villes à travers le monde. La récente flambée sociale en Afrique du Sud, au-delà de ses contradictions, démontre l’épuisement accumulé dans le pays le plus inégalitaire du monde.
L’usure des gouvernements et des régimes frappe tous les projets politiques, qu’ils soient de la droite ouvertement bourgeoise et pro-impérialiste, comme les cas de la Colombie et du Chili, ou des secteurs bureaucratiques, masqués sous des discours de « gauche » ou « anti-gouvernement impérialistes ” et alignés avec la Chine ou la Russie. La crise du gouvernement Ortega au Nicaragua ou de Maduro au Venezuela en sont la preuve.


Déclaration du LIS sur Cuba



La crise économique exacerbée par la pandémie alimente les conditions objectives du développement de cette montée de la lutte des classes. Les inégalités mondiales se sont accrues pendant la pandémie. Aujourd’hui, 1% de la population possède 45% de la richesse mondiale, tandis que les 3 milliards les plus pauvres n’ont aucune richesse, une fois leurs dettes actualisées. Dans la conjoncture, les gouvernements des puissances impérialistes affichent des prévisions optimistes, fondées sur la combinaison de l’effet de la fin de la plupart des restrictions liées à la pandémie, ajouté à l’énorme injection de dollars par les États. En effet, ces éléments génèrent un effet rebond dans l’économie mondiale. Cependant, il s’agit d’une illusion totale si on élargit la vision. L’économie mondiale se dirigeait déjà vers une récession avant la pandémie en raison de la faiblesse des investissements productifs liée à la baisse du taux de profit. A partir de la crise de 2008, les énormes transferts d’argent des États vers les capitalistes ont créé les conditions du développement d’une immense bulle spéculative. Aujourd’hui, nous voyons un modèle similaire. Tant que les conditions qui produisent la faible rentabilité des investissements ne se sont pas inversées (par la destruction des capacités installées et/ou l’élimination des entreprises à rentabilité réelle faible/nulle ou « zombies »), l’injection d’argent vers les capitalistes peut faire croître la bulle spéculative ou créer les conditions d’une hausse de l’inflation avec une croissance faible. Tout cela signifie qu’au-delà du rebond conjoncturel, les conditions de la crise structurelle perdurent et vont générer des épisodes de crises profondes.


Défis et débats


Tout ce qui précède montre que la dynamique générale de la situation politique mondiale est marquée par une forte polarisation où ce qui commence à prévaloir, bien qu’avec des différences régionales, c’est la montée des luttes du mouvement de masse. Cette hypothèse générale sur le moment politique « post-pandémique » a fait débat. Il y a ceux qui, prenant des éléments partiels de la réalité, voient un renforcement de la droite et du « fascisme ». La conséquence politique de cette analyse est l’impulsion de variants de « fronts démocratiques », comme celui qui a conduit une partie de la gauche aux États-Unis à soutenir Biden, ou qui comprend aujourd’hui une partie de la gauche brésilienne derrière le PT. Il est essentiel d’évaluer les éléments qui composent le tableau de la situation mondiale dans sa dimension réelle. Sans aucun doute, la polarisation croissante de la dernière décennie a généré des phénomènes de droite et même d’extrême droite, qui au niveau de certains pays peuvent être particulièrement forts (comme en Hongrie avec Orbán). Au fur et à mesure que la crise systémique du capitalisme et la crise de légitimité des régimes s’aggravent, ces phénomènes vont continuer à se produire et font partie de la scène politique. Mais ils ne sont pas le seul élément de la réalité, ni n’en marquent la dynamique générale.
Le fait que nous affirmions que la dynamique générale est vers l’intensification de la lutte des classes ne signifie pas que nous manquions de signaler les difficultés et les contradictions qui s’expriment dans la réalité. Il y a un développement inégal de l’ascension, qui s’exprime à des rythmes différents dans différentes parties du monde. Même là où la promotion est le plus fortement exprimée et les rébellions se produisent, elles ne mènent pas toutes à des triomphes retentissants, ou elles n’atteignent que des objectifs partiels. Dans de nombreux cas, les gouvernements ne tombent pas, même lorsque les plans d’ajustement sont arrêtés, car les directions parviennent à canaliser le mécontentement vers les canaux institutionnels et électoraux. Mais on a vu que la mobilisation aboutit à des changements de régime, portant même des coups mortels à certains des plus réactionnaires, comme celui créé par Pinochet au Chili.


Un élément clé pour comprendre pourquoi cela se produit a à voir avec les changements dans le monde au cours des dernières décennies et comment ceux-ci ont eu un impact sur la direction politique du mouvement de masse. Avec la chute du mur et la dissolution de l’URSS, l’un des principaux appareils contre-révolutionnaires dans le monde, le stalinisme, a été extrêmement affaibli, au-delà de la grande contradiction qu’impliquait la restauration du capitalisme et les confusions dans la conscience du mouvement de masse que cela a produit. Avec l’impérialisme, le stalinisme avait agi pour contenir et faire dérailler les processus révolutionnaires d’après-guerre. La présence de cet appareil a permis aux directions réformistes ou petites-bourgeoises d’aller un peu au-delà de leurs plans pour parvenir à contenir l’énergie des masses, car la bureaucratie a fait office de réassurance dans cet endiguement. Mais aujourd’hui, en l’absence de stalinisme, les directions réformistes ou petites-bourgeoises ont peur du mouvement de masse et il n’y a pas d’appareils pour le contenir. Pour cette raison, au lieu d’avancer, ils préfèrent virer à droite. On l’a bien vu dans des cas comme Syriza en Grèce, Podemos en Espagne ou le Front Large au Chili. A ce stade, il n’est pas proposé que des processus tels que la révolution cubaine aient lieu, c’est-à-dire des processus qui avancent vers le renversement des gouvernements, la confrontation avec l’impérialisme et l’expropriation de la bourgeoisie sans la direction d’un parti révolutionnaire. . Pour cette raison, au lieu d’avancer, ils préfèrent tourner à droite. On l’a bien vu dans des cas comme Syriza en Grèce, Podemos en Espagne ou le Front Large au Chili. A ce stade, il n’est pas proposé que des processus tels que la révolution cubaine aient lieu, c’est-à-dire des processus qui avancent vers le renversement des gouvernements, la confrontation avec l’impérialisme et l’expropriation de la bourgeoisie sans la direction d’un parti révolutionnaire.
Un autre débat important concerne la conscience et la classe ouvrière. Dans les processus de lutte, des soviets ne surgissent pas, mais plutôt des organismes très faibles et la classe ouvrière est un acteur mais pas un acteur hégémonique. C’est dû au problème de direction. Et la conscience n’avance pas seulement avec la lutte : elle ouvre les esprits et génère des avancées, mais pour qu’elles se consolident et atteignent un réel progrès, il faut une organisation révolutionnaire.


Tout cela réaffirme l’importance cruciale du plus subjectif de tous les facteurs, la construction d’un parti révolutionnaire avec une influence de masse au niveau national. Il n’y a toujours pas de partis socialistes révolutionnaires avec l’influence, l’accumulation et la localisation nécessaires pour mener les rébellions et les révolutions qui éclatent et les conduisent à des triomphes définitifs sur le capital et à établir des gouvernements des travailleurs et des pauvres. Cela laisse une marge de manœuvre à la bourgeoisie, aux bureaucraties syndicales, au réformisme et à la social-démocratie pour éviter que l’ancien ne se détruise et que le nouveau ne se développe. Au Chili, le Front large a conclu un pacte avec le gouvernement pour soutenir Piñera lorsque le peuple a demandé sa démission en masse et que le PC a fait sa part en essayant d’arrêter la mobilisation. Et maintenant, ils essaient de faire en sorte que l’Assemblée constituante ne dépasse pas les limites de la démocratie bourgeoise ; En Colombie, c’est la bureaucratie du Comité national du chômage qui soutient Duque et tente de détourner le processus vers une négociation avec le gouvernement, tandis que les variantes sociales-démocrates s’emploient à tout canaliser vers un processus électoral qui paraît encore loin. Ce qu’aucune de ces directions traîtresses et réformistes ne peut faire, c’est remonter le temps et elles devront vivre avec une nouvelle situation qui, au milieu d’une grande polarisation, aura tendance à s’approfondir et à déclencher des rébellions récurrentes.


Les masses ont la capacité de détruire les régimes qui les oppriment avec leur propre force révolutionnaire spontanée. Mais leur capacité créatrice, pour remplacer ces régimes par de nouvelles structures et construire une nouvelle société, se limite aux organisations politiques qu’ils ont à leur tête. Pour mener à bien la mobilisation révolutionnaire, liquider les régimes bourgeois, démanteler l’Etat capitaliste, imposer des gouvernements ouvriers et construire le socialisme, une direction révolutionnaire est nécessaire.


Dans ce cadre, la lutte des révolutionnaires pour influencer des secteurs des masses est une tâche essentielle. Nous devons lutter contre les tendances réformistes, possibilistes, procapitalistes qui, dans de nombreux cas, sont les forces prédominantes dans la direction du mouvement ouvrier et de masse. La dernière décennie regorge d’exemples d’actions de ces secteurs. De Syriza en Grèce à Sanders aux États-Unis, ils ont orienté l’énergie des rébellions vers un canal institutionnel, générant dans certains cas une forte démoralisation. Actuellement on voit qu’un processus similaire se développe au Brésil, où des secteurs du PSOL parient sur un front avec le PT et ce dernier cherche à son tour un accord avec les partis bourgeois au nom de la prétendue lutte contre le fascisme.
Comme nous l’avons souligné plus haut, les tensions résultant d’une rivalité inter-impérialiste croissante entre les États-Unis et la Chine continueront d’être un aspect important de la situation mondiale. Cela ouvre un débat clé avec des secteurs réformistes qui voient un « terrain progressiste » et ont tendance à s’aligner sur la Chine et ses alliés au nom de « l’anti-impérialisme ». Cette politique de “touriste” les conduit à condamner les rébellions menées par les masses dans des pays qui apparaissent comme des rivaux des États-Unis. Ainsi, ils condamnent les véritables luttes menées par des secteurs de la classe ouvrière ou de la jeunesse en Iran, au Nicaragua, à Hong Kong, au Venezuela comme instruments de l’impérialisme, et ils se rangent du côté de la défense des régimes autoritaires ou dictatoriaux. Ces gouvernements ont appliqué des politiques d’austérité et ont déchargé la crise sur la classe ouvrière et les secteurs populaires, tout comme les gouvernements ouvertement pro-impérialistes et capitalistes. Nous, les révolutionnaires, devons rejeter la politique de “touriste” et nous ranger fermement du côté des rébellions et des luttes authentiques de leurs peuples, en même temps que nous rejetons toute ingérence de l’impérialisme américain et combattons les directions de droite qui tentent par opportunisme de profiter des revendications de la classe ouvrière.


Construire un pôle révolutionnaire


Un aspect important de la situation est que, bien que les dirigeants réformistes agissent et parviennent dans de nombreux cas à détourner les processus, ils le font au prix d’une usure considérable. Cela a été le cas des directions nationalistes, petites-bourgeoises, qui ont profité de la montée de la lutte en Amérique latine dans la période précédente, comme Maduro au Venezuela ou Evo Morales en Bolivie, comme l’ont fait les « nouvelles » expressions qui ont émergé en Europe comme Podemos et Syriza. Et cela se reproduit maintenant dans le cadre des processus les plus critiques actuels comme le centre-gauche en Colombie et au Chili. Cela ouvre une opportunité pour les révolutionnaires, si nous nous donnons une politique correcte.
Pour mener la lutte pour l’hégémonie des révolutionnaires, il est indispensable d’avancer dans le renforcement d’un pôle au niveau international. Nous ne pouvons pas surmonter le problème de la direction révolutionnaire à partir des marges étroites d’une organisation nationale. L’échange et le débat international entre révolutionnaires, l’intervention commune dans la réalité, sont essentiels pour construire des organisations révolutionnaires solides dans chaque pays. En ce sens, nous revenons au meilleur de la tradition du marxisme révolutionnaire, qui a toujours privilégié la construction d’organisations révolutionnaires et d’une organisation internationale. Ceci est fondamental pour la tâche de rejoindre la nouvelle avant-garde qui émerge dans le feu des rébellions. Il y a une « première ligne » de jeunes qui ont un rôle de premier plan dans les processus, issues de traditions politiques différentes ou qui se sont récemment radicalisées dans le contexte des événements. Pour les ajouter à ce projet, il est essentiel qu’ils voient qu’ils peuvent aussi être des protagonistes dans notre organisation.
Depuis l’après-guerre, il y a eu différentes tentatives pour avancer dans cette direction, reprenant l’héritage de la Quatrième Internationale, mais elles ont échoué. La dispersion s’est accentuée. Certains groupes sont tombés dans le national-trotskisme. Et d’autres se réfugiaient dans un modèle de construction où le parti qui avait une certaine accumulation de cadres fondait un courant et regroupait sous sa direction des groupes plus restreints dans d’autres pays. La faiblesse intrinsèque de ces modèles a conduit à des erreurs politiques et méthodologiques de différentes natures, à des élaborations partielles, au dogmatisme, à des dérives sectaires ou opportunistes, et les méthodes bureaucratiques se sont multipliées. Les crises et ruptures passées et celles auxquelles nous assistons dans différentes organisations ces derniers temps sont liées à tout cela. La crise d’après-guerre du trotskysme a conduit à la formation de groupements défensifs, de tendances internationales autour d’un parti plus développé. Mais faire de ce besoin une méthode est une erreur majeure.
Malheureusement, aucun courant international référencé dans le trotskisme n’a pu passer l’épreuve à laquelle ils ont été soumis dans la nouvelle étape qui a commencé avec la chute de l’Union soviétique et les années turbulentes qui l’ont suivie jusqu’à présent, ou devenir un pôle d’attraction dynamique d’avant-garde. Nous proposons humblement de commencer à inverser cette dynamique. C’est pourquoi nous défendons un modèle de construction internationale complètement différent de ceux qui existent.
Nous avons besoin d’une organisation internationale forte, qui débat et élabore collectivement. L’apport de différents points de vue est essentiel pour construire une analyse scientifique de la réalité. Ce n’est qu’avec une élaboration collective que nous pouvons intervenir efficacement pour la transformer. La base pour cela est une compréhension commune des tâches du moment, un programme clair qui reprend les enseignements fondamentaux du socialisme révolutionnaire et une délimitation stratégique dans la défense de la révolution socialiste et du parti léniniste. Au delà des questions stratégiques il y a des nuances, des débats. Pour cette raison, il est également nécessaire de se doter d’un fonctionnement qui permette à ces discussions de se dérouler démocratiquement dans le cadre d’une intervention commune. Nous espérons que le Congrès de la LIS, qui se tiendra prochainement, sera une étape fondamentale à cet égard.
Il existe diverses traditions révolutionnaires dans le monde et des expériences concrètes de régions du monde très différentes sont également reflétées. Pour cette raison, dans certains débats, des nuances et des différences seront exprimées qui, loin d’être un problème, enrichiront l’élaboration. Nous considérons comme un triomphe et une nécessité pour renverser la crise de leadership que traîne la classe ouvrière de pouvoir coexister dans les mêmes organisations internationales qui marchent séparément depuis longtemps et nous proposons de travailler pour rassembler la plupart des les forces révolutionnaires sous les mêmes bannières. Actuellement, en fait, il existe des points de vue différents sur certaines questions au sein de la LIS. Nous avons des nuances autour des concepts et des définitions que nous utilisons pour analyser la situation politique qui reflètent nos différentes traditions et qui ont développé des définitions théoriques séparément. La même problématique existe sur la caractérisation de certains processus. Gageons que l’activité commune dans le temps nous permet de construire une nouvelle tradition et la confiance nécessaire pour réaliser une synthèse théorique, politique et méthodologique nouvelle, supérieure et révolutionnaire.
Nous ne voulons pas la construction d’une internationale sur la base d’une pensée unique ou d’un centralisme bureaucratique. Nous défendons la méthode du centralisme démocratique, car avec une structure de militants professionnels et d’organisations hiérarchiques, il est essentiel de construire des partis révolutionnaires et de défier la direction des secteurs ouvriers et populaires de la bureaucratie et du réformisme. Dans la construction de l’internationale, il est essentiel de privilégier le pôle démocratique beaucoup plus que le centralisme puisque l’élaboration politique doit se faire dans le respect des différentes réalités, traditions et orientations nationales.
La crise que nous vivons présente d’énormes opportunités et défis. Les luttes de la classe ouvrière et des peuples marqueront la dynamique de la période que nous commençons à traverser. Avec eux viendra un processus de radicalisation et de virage à gauche qui ouvre la perspective de construire d’importantes organisations révolutionnaires. Cependant, l’existence de conditions favorables à cette tâche ne garantit pas son succès. Cela dépend de notre capacité à réagir de manière appropriée, de l’analyse à la politique et à la tactique. L’ampleur et l’étendue du processus de radicalisation dans lequel nous entrons est bien supérieure à la capacité de réponse des groupements internationaux actuellement existants. C’est pourquoi il est essentiel de construire une organisation ouverte à la confluence d’organisations socialistes révolutionnaires issues de traditions différentes. C’est le défi que nous nous proposons de relever.

  • En soutien aux rébellions qui balaient le monde. Solidarité internationaliste et militante avec les peuples en lutte, et contre la répression des Etats.
  • Indépendance de tous les gouvernements, qu’ils soient ouvertement bourgeois et pro-impérialistes, ou qu’ils soient bureaucratiques et se présentent comme anti-impérialistes. Refus de la politique de “touriste”.
  • Faisant partie des rébellions, nous luttons pour développer les organisations démocratiques de la classe ouvrière et du peuple mobilisé, afin que ce soient elles qui décident du cours des luttes et non les bureaucraties syndicales et les directions réformistes.
  • Contre les tentatives d’atteler les rébellions par la voie institutionnelle et électorale, dans certains pays, nous avons proposé le slogan de l’Assemblée constituante pour que le peuple décide démocratiquement comment réorganiser le pays sur de nouvelles bases, comme un outil pour approfondir la mobilisation et démasquer les dirigeants traîtres.
  • Contre les perspectives réformistes, nous soulevons la nécessité de rompre avec le capitalisme afin de résoudre les problèmes fondamentaux de la vie des populations. Nous luttons pour un modèle de socialisme sans bureaucratie où c’est la classe ouvrière, à travers ses organismes, qui gouverne.
  • Pour avancer dans cette perspective, nous soutenons la nécessité d’unir les révolutionnaires pour construire de grandes organisations socialistes révolutionnaires qui peuvent défier les réformistes pour l’hégémonie et disputer le pouvoir.

31-07-2021