Depuis quelques semaines, des propositions ont été rendues publiques sur des tâches que notre front devrait accomplir afin de mieux agir dans la situation du pays. Bien sûr, il est toujours très utile d’échanger des propositions et des points de vue, et d’en discuter à la table de notre front, comme ce sera sûrement le cas cette semaine. En même temps, nous voulons réfléchir à la manière d’aborder ces débats qui, combinée au fonctionnement limité actuel du FIT-U et de son bureau national, finit par générer, de fait, des contre-propositions de propositions, dans ce cas entre les camarades du PTS et du PO, non construites collectivement, qui aboutissent à établir des positions et pas beaucoup plus que cela.
Nous commençons par cette préoccupation, car nous sommes convaincus que le FIT-U a beaucoup de potentiel et pourrait résoudre des questions plus positives et meilleures que celles qui sont débattues aujourd’hui, si un vrai débat de fond était un jour réellement engagé sur ce que doit être notre front et comment il doit fonctionner. Pour que, justement, les échanges de propositions aient lieu de manière permanente et dans les réunions mêmes que le FIT-U devrait avoir. Parce que la logique selon laquelle un parti mène d’abord sa propre campagne publique avec une proposition qui ne reflète que ses besoins politiques, et un autre parti fait de même mais avec une autre proposition, ne débouche généralement pas sur des accords et des appels communs, mais sur davantage de querelles, de longs débats et très peu d’accords.
Nous considérons que c’est très important, car le FIT-U, en pleine crise politique et sociale du pays, crise du gouvernement et possible avancée électorale des forces de l’opposition de droite, a un espace politique important à disputer et à occuper, tant dans les luttes, dans la lutte pour occuper des positions syndicales et dans la jeunesse, que dans les prochaines élections. Et pour essayer de profiter de cette opportunité, il nous faut procéder à des changements qui ne sont pas posés dans la proposition du PTS ni du PO.
Nous sommes donc confrontés à un problème politique, car il n’y a pas de stratégie politique commune pour intervenir dans les principaux événements de la lutte des classes, et il n’y a pas non plus, jusqu’à présent, de débat en commun sur la façon de gérer le conflit électoral à venir. Et évidemment, il n’y a pas non plus d’accord sur comment changer et améliorer le front. A ce niveau, nous avons fait une proposition que nous allons réitérer ici, mais elle n’est ni partagée ni vraiment discutée. Et toute cette situation ne peut être résolue par des propositions inventées au dernier moment, mais par un véritable débat collectif d’où pourront émerger des propositions communes, et non à l’inverse.
Pour notre part, nous sommes convaincus qu’on pourrait améliorer beaucoup le FIT-U en avançant vers un changement et jouer réellement un rôle face à la crise actuelle du pays, dans toutes les luttes en cours, dans la dispute pour une direction classiste et anti-bureaucratique dans la classe ouvrière et dans la prochaine lutte électorale en 2023. Pour cela, nous proposons que le FIT-U fasse un pas en avant et devienne un grand mouvement politique ou parti commun de courants organisés démocratiquement, où tout est débattu et où l’on tente de trouver des accords et des consensus, et logiquement quand il n’y en a pas, chaque courant a la liberté de faire valoir ses opinions et ses actions.
Un mouvement politique de courants ou de tendances, qui soit bien plus qu’un front électoral, qui dispose d’une coordination nationale élue et paritaire. Qui ait un bureau de direction qui se réunit chaque semaine. Que lors de ces réunions, toutes les questions soient abordées : de conjoncture politique, électorales, l’intervention dans les luttes de classe comme thème prioritaire, les élections syndicales ou étudiantes, de synthétiser des propositions à porter à la PSC (Plénière du Syndicalisme Combatif) et contribuer à le dynamiser, l’intervention sur les fronts socio-environnementaux et de genre, et tous les faits de la réalité qu’un front qui veut vraiment avoir un impact profond ne peut ignorer ou ne pas discuter en commun.
Nous proposons également que dans le cadre de ce fonctionnement et avec comme axe notre programme anticapitaliste et socialiste, nous réfléchissions en commun à des mécanismes de participation au sein du FIT-U pour des référents sociaux de gauche, pour des intellectuels, pour des militants ouvriers et jeunes qui soutiennent notre front, mais ne font partie d’aucun de nos partis. Il est de notre responsabilité, en tant que direction du FIT-U, d’en faire des protagonistes en les associant à nous d’une manière ou d’une autre, de profiter de ce capital politique en faveur de la croissance politique et sociale du Front de Gauche et des Travailleurs – Unité.
En même temps que nous réitérons ces idées, nous pouvons logiquement échanger dans notre réunion sur les autres propositions qui sont en train d’être rendues publiques et qui, comme nous l’avons dit, ne viennent pas résoudre les vrais problèmes que le FIT-U rencontre. Pensons, par exemple, que les camarades du PTS proposent maintenant que notre front aille à la rencontre des syndicats dont on a gagné la direction comme le SUTNA[1], des organisations de piqueteros et des secteurs en lutte, pour mettre en place une Rencontre et former une Coordination nationale des luttes. Mais dans ces luttes où nous intervenons tous, le FIT-U ne le fait pas en commun, mais avec des embûches, comme dans la lutte de la santé, où le PO et le PTS sabotent les nouvelles directions de l’ALE[2] et du Garrahan[3]. Ou la lutte des piqueteros[4], où deux des quatre partis du front s’abstiennent d’intervenir. Ou encore la grande lutte du SUTNA, qui n’a pas fait l’objet d’un débat au sein du front. C’est dans ce cadre, et après des mois et des mois où les camarades ont tourné autour de l’axe électoral et l’annonce très précoce de leurs propres candidatures, qu’ils proposent maintenant un parcours forcé avec presque aucune possibilité de se matérialiser réellement, qui ne prend même pas correctement la PSC, qui, même avec des problèmes et des faiblesses à surmonter, est précisément l’espace où sont regroupés les principaux syndicats dont on a gagné la direction, plusieurs des secteurs remarquables en lutte comme la santé, quelques-unes des principales organisations piqueteras et toutes les forces syndicales du FIT-U. Il s’agit donc d’une proposition artificielle de création d’un organisme de lutte qui ne surgit pas d’un véritable processus par la base.
D’autre part, les camarades du PO proposent un Congrès ouvert du FIT-U qui, selon leur texte, « a pour l’objectif de dépasser les limites actuelles du Front de gauche Unité et de à le transformer en une force d’intervention dans la lutte des classes ». Le problème central de cette proposition est qu’en soi, l’organisation d’un événement conjoncturel ne va pas changer les limites structurelles du FIT-U, loin de là. Ce serait un événement comme tant d’autres, avec des secteurs en lutte présents et aussi des débats en vue des prochaines élections, et le lendemain, le FIT-U continuera à fonctionner et à intervenir comme il le fait aujourd’hui, avec les mêmes limites qu’on dit vouloir dépasser, mais qui avec cette proposition ne sont pas dépassées mais consolidées. Il s’agit donc d’une proposition qui ne répond pas aux besoins réels du FIT-U, car un Congrès ouvert du FIT-U ne serait positif que si des politiques et des changements internes y étaient clairement votés pour transformer notre front en quelque chose de plus qu’un front électoral, questions que les camarades du PO ne se posent toujours pas.
En tout cas, nous discuterons de tout cela lors de la réunion du Bureau national du FIT-U et, logiquement, nous sommes ouverts à l’échange sur d’autres initiatives possibles telles que des meetings, des forums, des déclarations communes, du soutien commun aux luttes en cours ou d’autres initiatives que nous pouvons organiser avant la fin de l’année. Et puis en 2023, tout en continuant à promouvoir les luttes ouvrières, populaires et de la jeunesse dans chaque secteur, nous affronterons aussi dans notre front le débat électoral. Voir si, en tenant compte du développement national de chaque force, de son poids politique, électoral, social et militant, nous pouvons construire une proposition de listes communes pour les élections nationales, ce qui serait déjà très important, sachant aussi que, si nous n’y parvenons pas, notre front restera uni, même s’il est présent sur des listes différentes dans les PASO[5]. Et auparavant, nous devrons également nous pencher sur la participation commune aux élections provinciales anticipées, qui seront les premiers défis électoraux auxquels nous serons confrontés dans les premiers mois de l’année prochaine.
Mais ce qui nous intéresse profondément, face à l’avant-garde, au militantisme ouvrier et étudiant, aux milliers de sympathisant.e.s et de compagnons de route de notre front, ce n’est pas d’avoir un débat en soi ou une querelle pour savoir qui a raison, mais qu’une fois pour toutes le FIT-U se mette à réfléchir en profondeur sur la façon d’ améliorer réellement les choses, sur les changements à produire, sur la manière de le rendre plus grand, plus fort, plus global dans son intervention.
Le FIT-U que nous construisons est un acquis de l’unité de la gauche, le seul espace politique indépendant de tous les secteurs patronaux et bureaucratiques et dont le programme est anticapitaliste et socialiste. C’est aujourd’hui le seul front politique qui peut offrir une véritable voie alternative à des millions de travailleurs et à la jeunesse. Cet espace politique conquis nous place devant la responsabilité de tout discuter avec sérieux et profondeur, en rompant avec la routine, l’électoralisme et les actions fragmentées. Nous proposons un débat ouvert, public, loyal et positif, qui conduira à de meilleurs changements pour le FIT-U, ce qui revient à apporter une réelle contribution à la cause des travailleurs.euses et de la jeunesse.
Mariano Rosa et Sergio García,
par la direction du MST dans le FIT Unité 15/11/2
[1] Syndicat Unique des Travailleurs du Pneumatique de l’Argentine, dirigé par le PO et le MST.
[2] Association des Licenciées en Infirmerie, dirigée par le MST.
[3] Principal hôpital national de pédiatrie, dont l’Association des Professionnels et Techniciens est dirigée par le MST.
[4] Chômeurs.euses organisé.e.s.
[5] Élections primaires ouvertes simultanées et obligatoires.