Ce texte constitue un premier aperçu des aspects les plus importants de la situation européenne. Sur le Vieux Continent, trois phénomènes principaux interagissent à des rythmes différents : la crise de l’économie capitaliste, les conséquences de la pandémie et l’invasion russe en Ukraine. Bien que le facteur dominant soit la continuité de la crise économique, nous commencerons ici par souligner les nouveaux développements depuis le 1er Congrès de la LIS (2021), le principal étant la guerre en Ukraine.
La guerre en Ukraine impacte les gouvernements et les peuples
Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine il y a près d’un an, Poutine envisageait une « blitzkrieg » courte et triomphante. Mais une crise inédite depuis la fin de la guerre froide a éclaté, le conflit se prolonge par la résistance ukrainienne à l’invasion et risque de marquer une grande partie de l’année 2023. Avec son épicentre à l’Est, l’onde de choc de la guerre et de ses conséquences affecte la structure et la superstructure de toute l’Europe. L’impérialisme occidental et ses gouvernements, même de manière inégale, continuent généralement à soutenir Zelensky. L’Union européenne (UE) a accepté la candidature de l’Ukraine au sein du bloc, a alloué 18 milliards d’euros d’aide économique pour cette année, fourni des armes et des équipements militaires et a encouragé ses pays membres à augmenter leurs budgets militaires. L’OTAN a obtenu le soutien de déploiements supplémentaires de troupes dans la région et l’adhésion de la Suède et de la Finlande, traditionnellement neutres.
Les tortures et les massacres de civils dans les villages abandonnés par l’armée russe et les attaques de drones et de missiles sur les villes provoquent le rejet de l’invasion de Poutine et activent des campagnes de solidarité. La solidarité ne se traduit pas par un mouvement massivement organisé contre l’invasion en raison des directions politiques et syndicales, qui agissent selon deux perspectives : une pro-OTAN et l’autre campiste pro-Poutine. L’apparition de conflits guerriers européens inquiète la société : entre 1991 et 2001, il y a eu la guerre des Balkans ; depuis 2021, la guerre en Ukraine, et les menaces entre la Serbie et le Kosovo persistent. Les affrontements entre les blocs impérialistes occidental et russe ont ravivé la crainte de l’utilisation d’armes nucléaires et d’une nouvelle conflagration mondiale.
La crise économique s’est aggravée, la crise énergétique a éclaté
Les mesures prises par les gouvernements en 2008 n’ont pas suffi à inverser la crise, qui s’est aggravée avec la pandémie et la guerre. Il y a récession, détérioration du niveau de vie et la hausse des prix est réapparue, même dans les grandes puissances. Au cours de l’année 2022, l’inflation a atteint des sommets historiques à deux chiffres, mais a terminé l’année à une moyenne annuelle de 8%. Comparé à d’autres régions du monde, ce pourcentage semble insignifiant, mais en Europe, il s’agit d’un changement majeur puisqu’il n’avait pas été observé depuis des décennies. L’inflation renchérit des loyers, des hypothèques, des services et des denrées alimentaires ; elle déprécie des salaires, des pensions, des minima sociaux. Bref, elle détériore le niveau de vie, accroît les inégalités et propage la pauvreté sur un continent encore relativement riche.
Selon l’OCDE, « l’économie mondiale subit la plus grave crise énergétique depuis les années 1970 ». Avant la guerre, la Russie fournissait du pétrole et du gaz à une grande partie de l’Europe, notamment à l’Allemagne et à l’Italie. Mais en représailles aux sanctions économiques, Poutine a limité les exportations, les prix du gaz ont atteint des sommets et la recherche d’alternatives a commencé. L’UE a ralenti la « transition énergétique » avec le charbon et l’énergie nucléaire, a mis en service de nouveaux terminaux et a sécurisé d’autres fournisseurs internationaux. Grâce à ces mesures, favorisées par l’impact tardif de l’hiver, ils ont réussi à couvrir 90% de la capacité de réserve, ce qui réduit la possibilité de coupures massives d’approvisionnement et, temporairement, l’aggravation des troubles sociaux dus à cette circonstance.
« Plans anti-crise », des attaques contre les travailleurs
Les gouvernements déversent des millions d’euros pour soutenir les bénéfices des entreprises et éviter l’effondrement capitaliste, tout en appliquant des mesures sociales palliatives. En Allemagne, en France, au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie et dans d’autres pays, ces mesures comprennent : des réductions temporaires du prix du carburant ; des subventions sur les loyers, les services publics et les transports ; des primes et une revalorisation des salaires et des pensions (en dessous de l’inflation) ; des réductions de la TVA sur certains prix alimentaires. Il ne s’agit pas de renflouer l’« État-providence », ce que la bourgeoisie ne veut ni ne peut faire. Ils veulent en effet éviter qu’une détérioration extrême des conditions de vie n’engendre des grèves générales, des mobilisations de masse, des débordements populaires comme ceux observés dans d’autres régions. Ces « plans anti-crise » sont des mesures d’atténuation importantes, mais partielles et insuffisantes.
En guise de perspective, l’aide économique de plusieurs millions d’euros annoncée par l’UE sera un encouragement, mais elle ne suffit pas à conduire l’économie vers une véritable reprise. De plus, leur acceptation implique : l’acceptation des réformes du travail et des retraites et la prise en charge d’une partie de l’aide sous forme de dette à rembourser par les États. La BCE et le FMI prévoient une récession, le ralentissement économique pourrait atteindre un pic dans les premiers mois de 2023, la reprise de l’emploi ralentira et l’inflation se poursuivra, ce qui favorisera un conflictualité social plus importante.
La situation de l’Allemagne, pilier économique et politique de la zone euro, est à souligner. En 2022, elle a subi un fort ralentissement économique, l’inflation a atteint 10% (du jamais vu depuis 1949), la réduction des approvisionnements en gaz russe a affecté l’appareil productif. Elle a évité le désastre grâce à des aides publiques massives, de nouveaux terminaux et des fournisseurs de gaz. Les prévisions pour 2023 n’excluent pas de nouveaux effondrements du système financier, récession, inflation, l’économie allemande n’apparaissant pas non plus comme la locomotive d’une reprise continentale durable.
Crises migratoires, changement climatique, violence de genre
Chaque année, des milliers de personnes meurent en tentant d’entrer dans l’UE, parfois abandonnées en mer. La construction de l’« Europe forteresse » implique plusieurs aspects : a) ils établissent des gendarmes extra-frontaliers par le biais d’accords de l’UE avec des pays comme la Turquie ou le Maroc pour arrêter les migrants ; b) si les migrants franchissent cette barrière, ils appliquent des arrestations et des déportations immédiates, « à la volée » ; c) en cas d’admission temporaire, les centres de rétention fonctionnent dans des conditions de plus en plus dures et inhumaines ; d) si les migrants parviennent à entrer et à ne pas être détenus ou expulsés, ils survivent sans papiers et dans des conditions précaires, voire dans un semi-esclavage. La guerre en Ukraine a aggravé cette situation, avec des centaines de milliers de nouveaux migrant.e.s forcé.e.s vers les pays d’Europe occidentale.
En outre, le changement climatique a entraîné les températures les plus élevées jamais enregistrées sur le Vieux Continent, laissant un terrible bilan socio-économique : sécheresse généralisée, 660 000 hectares de forêts brûlés, dommages à l’agriculture et au moins 20 000 morts. Le capitalisme extractiviste et la destruction de l’environnement qui en résulte suscitent des actions et des mobilisations populaires dans toute l’Europe en réaction.
Dans le même temps, les attaques machistes contre les femmes et les personnes LGBTI continuent d’être sévères : il y a des meurtres, des agressions sexuelles individuelles et collectives, des tentatives de réduction du droit à l’avortement et d’autres droits liés au genre. Le mouvement féministe et de la diversité organise des protestations, des marches et des grèves, mais elles n’ont pas atteint la même ampleur qu’avant la pandémie. Le réformisme et l’institutionnalisme continuent d’agir pour tenter de ralentir et de coincer les actions et l’organisation indépendante du mouvement.
Les mensonges et les limites du réformisme
Les réformistes (PS, PC, Verts) continuent de trahir le soutien populaire, de mettre en œuvre ou de collaborer à des plans d’austérité, donc ils subissent de l’usure aux yeux des masses.
Émulant la trahison de Syriza en Grèce, Podemos a fait un saut réactionnaire dans l’État espagnol, en s’intégrant comme partenaire junior du gouvernement bourgeois de Pedro Sánchez et du PSOE derrière le sophisme de « réaliser des changements de l’intérieur ». Cette coalition et les « Mairies pour le changement » qui soutiennent le régime de 1978 et le capitalisme n’ont pas apporté de transformations de fond en faveur des majorités populaires. Podemos et ses partenaires de l’IU sont en recul électoral et militant.
La France insoumise, qui dans le cadre de la NUPES (avec le PS, le PC, les Verts) a obtenu un score élevé, est dirigée par Mélenchon sans démocratie interne et privilégie un parlementarisme sans issue. Le Bloc de gauche portugais maintient sa politique d’adaptation à l’institutionnalité bourgeoise. Die Linke s’est assimilé au régime allemand et est prise dans des conflits internes qui pourraient conduire à des divisions. Ces organisations présentent une dynamique similaire : lorsqu’elles émergent, elles mettent en avant des positions plus radicales, mais les diluent au fur et à mesure qu’elles obtiennent des élu.e.s ou accèdent au gouvernement. Ils abandonnent la mobilisation, édulcorent leur programme et s’adaptent à la caste politique avec l’excuse du « moindre mal » et l’utopie réactionnaire du « capitalisme humanisé ».
En l’absence de directions socialistes révolutionnaires forts, les mensonges et les échecs du centre-gauche ouvrent la voie aux forces politiques et aux secteurs sociaux les plus réactionnaires.
L’UE en question
La viabilité économique et politique de l’UE, les avantages et les inconvénients pour les pays plus pauvres ou en crise d’appartenir au bloc et le développement du Brexit continuent de générer des doutes parmi les travailleurs et le peuple. Il s’agit de débats sous tension entre « eurosceptiques » et « européistes », des secteurs différents en termes d’identification politique et de dispute électorale, mais qui présentent des coïncidences stratégiques : tous deux soutiennent l’exploitation du capitalisme impérialiste et de ses régimes oppressifs. Nous devons nous différencier des deux, en dénonçant patiemment que l’Union européenne, la Banque centrale européenne et ses autres institutions -comme l’OTAN- sont au service de la bourgeoisie impérialiste, il faut donc proposer notre propre issue alternative.
L’impérialisme européen tente d’inverser le déclin économique et politique qui le relègue derrière les États-Unis et la Chine, mais il éprouve de sérieuses difficultés à y parvenir. Ses institutions perdent leur crédibilité (Brexit, Qatargate, etc.). Les gouvernements et les régimes deviennent de plus en plus autoritaires, répriment les luttes et persécutent les militant.e.s (Catalogne, « gilets jaunes », etc.). Il s’agit notamment de monarchies parasites et corrompues, d’un système judiciaire assujetti au pouvoir, de mécanismes anti-démocratiques d’élection des présidents et des premiers ministres qui dénaturent la volonté du peuple. Les taux élevés d’abstention électorale sont un autre indicateur du discrédit populaire des partis traditionnels.
L’UE est remise en cause et, au-delà des mensonges des propagandistes à son service, elle n’est pas un bloc progressif pour les travailleurs et les peuples, bien au contraire, tant pour ceux du continent que pour ceux des pays dépendants ou néocoloniaux d’Afrique et d’autres continents. Par exemple, l’UE laisse libre cours à l’oppression marocaine du peuple sahraoui et plusieurs pays européens maintiennent des accords de pillage et des troupes dans les pays africains. Une partie de notre politique dans les métropoles impérialistes est donc celle de dénoncer et de rejeter ladite domination et toute ingérence économique, politique et militaire.
Le danger de l’extrême droite
Bien que les défaites politico-électorales de Trump et de Bolsonaro affaiblissent l’extrême droite au niveau mondial, en Europe, ce secteur est présent dans tous les parlements et gouverne dans plusieurs pays, comme hier l’Autriche et la Finlande. Actuellement, par exemple, le président hongrois Viktor Orban a remporté sa troisième réélection ; en Pologne et en Slovénie, ce sont des forces ultraconservatrices qui gouvernent ; en Italie, Giorgia Meloni du parti post-fasciste Fratelli d’Italia est Premier ministre ; en France, le Rassemblement national de Marine Le Pen est la principale opposition parlementaire ; en Suède, les Démocrates sont la deuxième force ; en Espagne, Vox a progressé lors des élections régionales.
Cependant, les forces d’extrême droite actuelles sont notoirement différentes des organisations fascistes et nazies apparues avant la Seconde Guerre mondiale, car elles restent dans l’institutionnalité démocratique bourgeoise. Leur discours combine des aspects racistes, chauvins, anti-immigrés et anti-islamiques avec des positions populistes, pro-libertés, pro-autochtones et pro-jeunes. Ils gagnent du poids dans les secteurs de la petite-bourgeoisie et même de la classe ouvrière, mais pour l’instant la bourgeoisie impérialiste européenne ne parie pas sur l’extrême droite pour faire évoluer le régime actuel vers une option contre-révolutionnaire, avec des méthodes de guerre civile contre la classe ouvrière et les secteurs opprimés. Cependant, dans plusieurs pays, les actions violentes encouragées par les discours de ce secteur contre les migrants ou la gauche radicale se multiplient.
Une polarisation sociale et politique croissante
En tant qu’expression d’un phénomène mondial, la situation politique et sociale en Europe se polarise également : à un pôle se trouvent les expressions de la droite et de l’extrême droite, tandis qu’au pôle opposé se trouvent la classe ouvrière, la jeunesse et les secteurs populaires qui, à des rythmes différents, mènent des grèves, des mobilisations, des rébellions en France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, l’État espagnol, au Portugal et dans d’autres pays, y compris des grèves générales en Belgique et en Grèce.
La classe ouvrière européenne joue de plus en plus un rôle de premier plan dans la confrontation avec leurs gouvernements respectifs, les patrons et leurs plans d’austérité. De nouvelles couches de travailleurs.euses, en particulier des jeunes, participent à ces luttes. Ce climat de mécontentement et de protestation sociale inclut également des secteurs des classes moyennes. Mais le plus important est qu’il alimente des changements politiques, des débats, des interrogations dans la tête, notamment parmi l’avant-garde ouvrière et jeune, ce qui ouvre des espaces pour le dialogue et des opportunités pour la construction de nos groupes et partis.
Les forces réformistes, qu’elles soient au gouvernement ou dans l’opposition, font partie du régime capitaliste dominant, elles montrent donc toutes leurs limites et subissent donc l’usure face au mouvement de masse. Cela laisse un espace politique vacant à leur gauche, ce qui ouvre de meilleures conditions pour avancer dans la construction d’organisations et de partis socialistes révolutionnaires et internationalistes.
La France, une avant-garde des luttes et des processus politiques
Après l’Allemagne, la France est la deuxième plus grande puissance de l’UE. Le gouvernement Macron est plutôt faible, il a gagné avec peu de voix dans une élection avec une abstention record et dépend donc de pactes parlementaires. La polarisation politico-électorale s’exprime par l’extrême-droite de Le Pen et le centre-gauche de Mélenchon, qui obtiennent tous deux des résultats élevés. Le pays a un peu moins de problèmes énergétiques que d’autres, puisque contrairement à l’Allemagne, qui dépend du gaz russe, 70% de l’électricité française provient du nucléaire et le reste est fourni par le pétrole algérien. D’autre part, elle est durement touchée par la crise économique, qui n’a pas réussi à se remettre de la pandémie. Le gouvernement fait des coupes dans les secteurs publics, mais augmente le budget militaire et répressif. L’inflation annuelle était de 6% et celle des denrées alimentaires atteint 10% ou plus, ce qui a entraîné une forte agitation sociale due à la détérioration des salaires, pensions, minima sociaux, bourses d’études.
Avec pour précédents les gilets jaunes de 2018 et la vague de grèves de 2019, les derniers mois de 2022 ont été marqués par une vague de fortes grèves et de mobilisations pour des augmentations de salaires de la part des travailleurs raffineurs, cheminot.e.s, transports, la santé, l’éducation et de diverses entreprises privées. Si à cette époque la grève générale n’a pas eu lieu, c’est à cause du frein imposé par les bureaucraties syndicales : CFDT, CFTC, CGT dirigée par le PC, CFE-CGC, FSU, FO, SUD (centriste). Des manifestations féministes et écologistes ont également eu lieu. Avec les inégalités, une avant-garde de jeunes radicalisés participe à tous les processus de lutte.
Or, l’annonce de la contre-réforme des retraites de Macron (report de l’âge de retraite à 64 ans, 43 annuités de cotisations en 2027), dans une nouvelle tentative après son échec en 2019, a provoqué un tel rejet de la base que l’Intersyndicale de toutes les centrales, pour la première fois depuis 12 ans, lance des grèves et des mobilisations à partir du 19 janvier, qui atteignent une grande massivité avec la participation de nouveaux secteurs de la classe ouvrière. Mais la bureaucratie n’appelle pas à une lutte conséquente tant que la réforme n’est pas vaincue, mais à des grèves isolées pour freiner. Pour l’instant il n’y a pas de débordement général, mais quelques avancées partielles quant à la continuité de la lutte et la coordination par en bas. Pour tout cela, le pronostic du résultat est ouvert. Au parlement, Macron a le soutien des Républicains ; Le Pen, ambiguë, annonce qu’elle s’y « opposera » mais ne fera pas « obstruction ». L’issue de ce bras de fer déterminera le rapport de forces à l’avenir. En outre, il n’est pas exclu que Macron dissolve l’Assemblée et convoque des élections anticipées.
Du point de vue politique, il y a eu des événements très importants à l’extrême gauche, qui a une forte tradition en France. Alors que Lutte ouvrière, même en déclin, reste une secte importante, l’autre force majeure, le NPA, s’est scindé en deux moitiés sous la responsabilité du secteur mandeliste qui se veut l’aile gauche de LFI-NUPES, la gauche réformiste institutionnelle, dans une démarche soutenue d’abandon de la construction du parti révolutionnaire. Ce cours opportuniste liquidationniste a été résisté correctement et unitairement par une aile révolutionnaire du NPA composée de trois fractions, au-delà de leurs divergences : par ordre d’importance, il s’agit de L’Étincelle, Anticapitalisme et révolution et Démocratie révolutionnaire, plus quelques militant.e.s non aligné.e.s. Elles sont en train de former une nouvelle organisation, avec tous les défis politico-organisationnels que cela implique. Ainsi, un autre courant trotskiste sectaire, Révolution permanente, lié au PTS argentin, qui a quitté le NPA il y a un an et demi et qui prévoyait l’ « impuissance » et la désintégration de l’aile gauche, a manqué sa prédiction. Avec L’Étincelle, nous développons des relations d’échange depuis le LIS. Nos militant.e.s en France, par le biais de ce courant, sont intégré.e.s dans la nouvelle organisation révolutionnaire. A partir de là, nous continuerons à travailler pour le regroupement des révolutionnaires à l’échelle nationale et internationale.
La Grande-Bretagne en crise politique, la recomposition de la classe ouvrière et ses luttes
Le processus du Brexit a montré la direction désastreuse de la bourgeoisie britannique. Le niveau de vie s’est dégradé : l’inflation a atteint 10%; la pauvreté, le chômage, les inégalités sociales ont augmenté. Depuis l’éclatement de l’UE en 2020, cinq chefs de gouvernement se sont succédé. Boris Johnson et Liz Truss, qui n’a duré que 44 jours au pouvoir, ont connu des scandales et des échecs majeurs. Rishi Sunak, conservateur t représentant de la City, est premier ministre depuis octobre, dans un contexte d’instabilité sans précédent.
La grève historique des transports (RMT) a ouvert une nouvelle étape de montée, de rétablissement de la classe ouvrière après la défaite subie sous le gouvernement Thatcher. La lutte ne s’est pas arrêtée pour les vacances ni pour les fêtes. Le mois d’octobre a vu l’émergence du mouvement de quartier contre la hausse des tarifs : Don’t pay, ne payez pas. En décembre et janvier, il y a eu une vague de luttes et de marches pour les salaires, de meilleures conditions de travail et de vie, contre les attaques à la santé publique, l’éducation et les transports. Les infirmières, les professeurs d’université et d’autres secteurs ont mené de fortes grèves. La bureaucratie syndicale a été contrainte d’appeler à la mobilisation, mais elle ne coordonne pas les conflits. Et bien qu’il y ait des conditions complètes et même un processus d’affiliation syndicale, il n’appelle pas à une grève générale.
Le régime monarchique-parlementaire est en grande difficulté. Outre la mort d’Elizabeth II, le bipartisme autrefois solide conservateurs-travaillistes est de plus en plus difficile. Et des problèmes nationaux historiques non résolus refont surface. En 2014, le gouvernement britannique a autorisé un référendum sur l’indépendance de l’Écosse, qui a vu la victoire du Non. Mais la revendication a refait surface avec une demande de nouveau référendum, qui a été rejetée par la Cour suprême. Le parti nationaliste écossais (SNP) respectera cette décision, mais le conflit reste latent. Des élections sont prévues en Irlande en 2025, mais le Sinn Féin, qui bénéficie d’un soutien de plus de 30% au sein de l’électorat, notamment chez les jeunes, demande des élections anticipées. Il se présente comme progressiste, nationaliste et pro-unité d’Irlande, républicain, anti-monarchiste et anti-britannique, avec un programme de centre-gauche qui déclenche les sonnettes d’alarme du pouvoir britannique. La résurgence des demandes d’autodétermination des nationalités opprimées au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens ne peut être exclue. Le trotskisme apparaît de plus en plus divisé, avec de forts éléments de sectarisme. Dans ce cadre, la nécessité de construire un nouvel outil politique de la gauche révolutionnaire devient indispensable.
État espagnol : des contradictions et des protestations s’accumulent
L’Espagne est l’un des maillons faibles de l’UE. L’inflation a atteint un pic de 10,7% (le plus haut depuis 38 ans), bien qu’elle ait terminé l’année à 5,6%, soit l’un des taux les plus bas d’Europe ; le taux de chômage est de 12,7%, les personnes menacées de pauvreté dépassent les 20%, le fossé social s’est creusé. Le gouvernement Sánchez n’a pas apporté de changements substantiels, mais des correctifs sociaux. Cette coalition « progressiste » PSOE-Podemos a vacillé à plusieurs reprises, mais s’est rétablie grâce au soutien de l’ERC (Catalans), du PNV et d’EHBildu (Basques), entre autres. Cependant, les crises étant récurrentes, la fin de la Législature n’est pas encore assurée. Dans le bloc au pouvoir, il y a de l’usure parmi ses membres et envers les masses. Dans le bloc de droite et d’extrême droite, le PP semble se rétablir en tant que remplaçant, Vox se développe et Ciudadanos, en trois ans, est passé de postulant au gouvernement à une expression en voie d’extinction. Cette année, il y a des élections régionales et présidentielles, avec un pronostic ouvert. Une éventuelle victoire du PP pourrait ouvrir la voie à un co-gouvernement avec Vox.
La crise du régime de 1978 s’exprime dans les scandales de la monarchie, du système judiciaire réactionnaire, des « égouts de l’État » et d’autres domaines. Il est soutenu par la défense acharnée des partis majoritaires, qui refusent les changements constitutionnels, et parce que le processus catalan, qui remettait directement en cause l’institutionnalité monarchique-parlementaire, a fait marche arrière. Ceci est dû à la trahison du gouvernement catalan d’ERC-JxCat, qui visait à récupérer une autonomie limitée au lieu de mettre en œuvre le mandat d’autodétermination du référendum du 1-0. Le PSOE et l’ERC ont accepté une « table de dialogue » trompeuse, de modifier le crime de sédition, de poursuivre les détournements de fonds, de libérer les dirigeants indépendantistes emprisonnés, mais sans amnistie ni autodétermination. Le processus catalan a été mis en arrière par les trahisons des dirigeants, mais le peuple n’est pas vaincu : il continuera à générer des mobilisations et des crises politiques, qui pourraient relancer ses propres revendications et celles des Basques.
Les effets de la crise provoquent des luttes des travailleurs. Le processus le plus dynamique concerne la défense de la santé publique, profondément ressentie par l’ensemble de la population. Dans ce secteur, les coupes budgétaires de 2012 n’ont jamais été comblés et la détérioration est évidente. Pendant la pandémie, des conflits ont donné lieu à des grèves dans plusieurs régions autonomes ; la principale a eu lieu à Madrid, avec une mobilisation de 300 000 personnes. Les enseignants ont également repris les grèves et il y a d’autres luttes partielles. La bureaucratie des CCOO et de l’UGT, branches syndicales du PCE et du PSOE, agit pour empêcher l’unité des luttes et la grève générale. En Catalogne, la CUP continue de se définir comme anticapitaliste et critique le gouvernement, bien qu’elle ait permis l’investiture présidentielle de Pere Aragonés (ERC) et qu’elle soit en front avec d’autres secteurs réformistes. Depuis la rupture avec Podemos, Anticapitalistas a pour axe la construction d’Adelante Andalucía : un projet de souveraineté autonome et avec un programme limité qui cherche à représenter le « progressisme » local. Ce contexte politique pose la nécessité de mettre en place une nouvelle alternative de gauche révolutionnaire avec un programme conséquent.
Quelques axes de notre orientation politique
1. Répondre aux initiatives progressives et aux débats sur la guerre en Ukraine sur la base de la politique et du programme de la LIS. Utiliser le web, les tracts, les publications ; impulser nos campagnes internationales.
2. Participer aux luttes ouvrières, de la jeunesse, sociales, encourageant la mobilisation, la coordination des luttes, la grève générale, l’auto-organisation, l’autodéfense. Proposer un programme politique de transition qui réponde aux besoins des travailleurs et du peuple, afin que les capitalistes paient pour la crise. Intervenir dans les processus politiques, contre les réformistes, la droite et l’ultra-droite, en posant la nécessité de les combattre dans les institutions et dans la rue avec la plus grande unité d’action possible, et de construire de nouvelles alternatives politiques de la gauche radicale.
3. A la défense des droits sociaux, nous ajoutons celle des droits démocratiques, de genre et écologiques, dans une perspective socialiste révolutionnaire et anti-impérialiste. Entre autres points, nous proposons la dissolution de l’appareil répressif, la démocratisation radicale de la justice, l’abolition des monarchies et des sénats et l’ouverture de processus constituants, toujours dans le cadre d’un programme qui propose une issue révolutionnaire.
4. Face aux pro-européens (comme la socialdémocratie) et aux eurosceptiques (comme la droite et l’ultradroite), nous proposons une troisième stratégie, différente : pour des gouvernements de la classe ouvriére, pour une Europe des travailleurs et des peuples, pour une libre fédération des républiques socialistes d’Europe. 5. Tout cela fait partie de la stratégie visant à construire, consolider et développer nos groupes existants. Pour aller de l’avant, nous devons gagner de nouveaux militants et former de nouveaux cadres, notamment parmi les jeunes. Nous devons également rechercher des groupes de la gauche révolutionnaire politiquement apparentés afin de nous connaître, d’intervenir ensemble dans la réalité, d’établir des rapports de débat et d’échange dans la perspective de leur intégration dans la LIS.