Chile : victoire de Boric, défaite du pinochetisme. Ne déléguons pas les forces

Maura Fajardo Gálvez, Mouvement Anticapitaliste de Chile (20/12/21)

Vainquant toutes sortes de manœuvres promues par le gouvernement et par le pinochetisme enhardi, les salarié.e.s et les peuples ont gagné les rues et les urnes pour vaincre la menace Kast. Dans les prochains jours, nous analyserons en profondeur les statistiques. Dans ce premier coup d’œil, nous voulons apporter quelques idées pour comprendre ce qui s’est passé et aussi ce qui vient, depuis une perspective anticapitaliste.

Polarización sí, victoria popular también

Avant tout, l’élection d’hier a démontré qu’il y a une polarisation sociale croissante et aiguë et, en même temps, que l’initiative fondamentale, au moins dans ce cas-là, est détenue par le mouvement de masse. Il est clair que dans une élection à deux options, cette conclusion est simple, mais ce que le second tour exprime vraiment, c’est que la droite la plus dure et le candidat d’Approuver dignité (Front Large-PC) sont entrés dans la course, tous deux issus en dehors des partis traditionnels. C’est l’expression de la polarisation à l’intérieur du menu limité d’options de cette démocratie restreinte, issue de la transition pactisée avec la dictature et le perfide accord de paix.

Panorámica de La Alameda luego del triunfo

Cette polarisation s’est encore plus exprimée après le premier tour, dans les campagnes spontanées et dans l’appel sévère à l’attention au candidat de centre-gauche pour qu’il « descende du nuage » et pour noter qu’une bataille majeure s’en venait. L’impulsion fondamentale est alors venue des multiples noyaux qui ont émergé après le premier tour, avec une tâche claire et un objectif qui s’est matérialisé hier en déchaînant la joie et une véritable fête populaire : vaincre le facho et mettre un frein aux impulsions du pinochetisme.

Dès le matin, une réalité a commencé à traverser les communes les plus précaires : il n’y avait pas de bus. Le scandale était tel qu’à midi le gouvernement a dû tenir une conférence de presse menteuse, avec la ministre des Transports, Gloria Hutt, expliquant que tout était dans l’ordre. Mais en réalité, comme on pouvait le voir en direct dans les rues et dans les dépêches télévisées des grands médias, aux arrêts de bus les gens attendaient des heures sous le soleil, et que la majeure partie de la flotte était retenue dans les terminaux d’entreprises privées subventionnées par l’Etat. Un interventionnisme électoral scandaleux, car dans les communes les plus riches, où historiquement gagne la droite, il n’y avait pas de problème de transport. Malgré les manœuvres, les campagnes de terreur, les provocations, les salarié.e.s ont appliqué une raclée électorale dans les principales villes et quartiers populaires. Par exemple, la commune de Puente Alto a marqué 70% des voix pour Gabriel Boric. En revanche, les régions du Nord, qui avaient voté au premier tour pour le candidat Parisi (un outsider ultra-libéral), se sont retournées au second tour pour Boric. Au niveau général, 10% de participation en plus qu’aux dernières élections et le vote le plus haut de l’histoire pour un candidat présidentiel.

Au-delà de ces données et d’autres, toutes très importantes, il est essentiel de souligner comme nous l’avons dit au premier tour, qu’est-ce que le résultat exprime, en termes relatifs comme toujours dans l’histoire : la fin des anciennes duopoles, le début de la reconstruction du régime avec un coup dur pour les secteurs autoritaires, le peuple mobilisé en tant qu’acteur fondamental, encore sans direction radicale et anticapitaliste mais présent et donnant le pouls même avec l’utilisation du vote.

Après l’échec du pinochetisme, d’avancer pour ne pas reculer

À 19 heures, le triomphe électoral d’Approuver dignité était irrévocable, 10 points d’écart entre candidats, soit l’équivalent d’un million de voix ; la possibilité que le vote soit étroit a été donc jetée au fond de la poubelle. À son bunker, Kast visiblement affecté a assumé la défaite. Les rues ont commencé à se remplir immédiatement et une marche spontanée et massive a parcouru l’avenue vers le meeting central de Boric, devenu le président chilien avec le plus grand nombre de voix de l’histoire.

Multitudinaria asistencia en las calles tras el triunfo

Nous l’avons déjà dit, la force de la victoire doit être recherchée dans l’activité ferme et déterminée du peuple travailleur qui a puni avec le bulletin de vote. Il est donc important de savoir qu’après les célébrations et la joie de cette victoire, l’attention doit être portée sur la résolution des revendications qui ont motivé, pour la positive ou par défaut, l’élection historique de dimanche dernier. Autrement dit, ceux d’entre nous qui ont voté contre le proto-fasciste pour ne pas perdre les quelques droits restants, ceux qui ont voté Boric dans l’espoir d’obtenir de nouveaux droits et un nouveau Chili différent de celui des 30 ans, nous irons pour la réalisation de ces objectifs.

Ces tâches, clairement exprimées lors de l’explosion que Boric lui-même et le FA ont agît à contenir, sont le moteur de l’impulsion populaire. Une déception face à ces demandes renforcerait sans doute la position de la droite qui a trouvé en Kast une nouvelle référence en réussissant à accumuler un 44% non négligeable, il sera tapi dans le cadre du scénario politique. Les tensions sont loin de se dissiper, l’élection les exprime pleinement. Plus que jamais, dans les prochains jours il faut travailler à l’organisation indépendante de la force populaire nécessaire pour participer à ces combats.

Défendre la victoire, en se battant pour tout transformer

Depuis le Mouvement anticapitaliste, nous avons fait un appel clair à voter contre Kast pour tout ce qu’il représente, mais en restant profondément critiques à l’égard du programme et de la trajectoire de Boric et de son espace. Dans ses derniers discours, il essaie de reprendre l’épopée d’Allende et en même temps de répéter ses erreurs : de propager la confiance dans la possibilité d’un « Chili uni et pacifique » avec des violateurs des droits de l’homme et des capitalistes qui pendant des années et des années ont pillé nos biens communs à la pointe de fusil. Il l’a ainsi exprimé avec l’appel à Piñera et au meeting même, en déclarant qu’il faut « construire des ponts » avec Kast et l’extrême droite.

Nous attendons avec vigilance ce qui s’en vient, organisant nos forces et t’appelant à rejoindre cette organisation. Afin de ne pas déléguer, afin que personne ne trompe dans un pacte de cuisine la victoire que nous avons obtenue avec effort. Nous ne le disons pas par préjugé, mais parce que le passé récent le montre : nous ne pouvons faire confiance à personne d’autre qu’à notre organisation indépendante et à ne pas lâcher les rues.

Avec la joie du triomphe obtenu, avançons-nous jusqu’à tout transformer !