Argentine. Élections 2023 : du triomphe de Milei au vote FIT-U, nos principales conclusions

Les PASO (primaires ouvertes simultanées et obligatoires) sont passées, elles ont apporté des surprises et des changements dans les perspectives des élections générales. Nous partageons nos premières opinions sur plusieurs des questions centrales en débat : les raisons de la victoire de Milei, l’ampleur du coup reçu par Ensemble pour le changement et Union pour la patrie. Le vote du Front de gauche en général et le résultat de notre liste, qui n’a pas gagné au niveau national, mais qui a remporté une victoire importante dans la capitale du pays et dans plusieurs provinces.

Le triomphe de Javier Milei

Lorsque les premiers résultats ont commencé à être connus, la surprise a envahi le journalisme : Milei[1] gagnait dans des districts clés. Cela s’est consolidée au fil des heures jusqu’à ce qu’il soit certifié, à la fin du scrutin, que le candidat de « La Liberté avance » avait obtenu plus de 30% des voix. Non seulement il a été le candidat à la présidence le plus voté, mais il a également obtenu plus de voix que la somme des deux candidats de Ensemble pour le changement[2] et la somme des deux candidats d’Union pour la patrie[3].

Les raisons de son triomphe sont liées au fait qu’il a pu canaliser une grande partie du mécontentement accumulé contre le gouvernement et contre les partis qui ont gouverné, d’abord le PRO avec Macri et maintenant ces quatre années de péronisme avec Fernández, et qui ont conduit le pays à une catastrophe où des millions de personnes vivent de pire en pire. Compte tenu du désastre de ce dernier gouvernement du PJ, on peut dire qu’une fois de plus, comme cela s’est déjà produit dans d’autres pays, au Brésil et ailleurs, le soi-disant progressisme qui ajuste lorsqu’il gouverne finit par favoriser les variantes de droite, dans ce cas Milei, en raison de la frustration et du mécontentement général qu’il suscite.

Dans ce cas et dans le cadre de cette situation générale de crise, avec une économie de plus en plus hors de contrôle ces derniers mois et la dernière semaine marquée par un nouveau bond du dollar, le meurtre d’une jeune fille à Lanús et l’assassinat par la police d’un militant sur l’Obélisque, une combinaison de crise économique et sociale a été générée qui a fini par renforcer la colère contre les gouvernements au moment du vote, notamment à travers le vote pour Milei et d’autre part exprimée dans le fait qu’un autre secteur n’a pas voté (seulement 68 % l’ont fait[4]) et qu’une autre partie de la population a voté blanc[5].

Le fait que plus de sept millions de personnes aient voté pour un candidat ouvertement de droite, rétrograde et anti-droits, montre un glissement à droite de la situation, au moins en termes électoraux, c’est indéniable. Mais c’est indéniable aussi que cela est associé à un vote de colère de la part de larges pans de la population qui l’ont pris comme un outil de punition. Et maintenant, ils ont laissé ce droitier imprésentable, en vue des élections générales, comme un vainqueur possible qui passe au ballottage après octobre.

Le vote en général, avec un pourcentage élevé de votes pour des variantes de droite ou pour Massa, qui est l’architecte du pacte avec le FMI, confirme ce que nous avons soulevé tout au long de la campagne : la gauche doit se préparer pour le pays complexe et tendu qui vient. Il y aura plus de Fond, plus d’austérité et de tentatives de supprimer des droits sociaux et démocratiques, avec plus de répression pour l’appliquer et plus de ripostes et de luttes sociales en réponse.

Coup dur pour le PRO et le PJ

Les deux principales coalitions du pays, celles que tous les grands médias pro-gouvernementaux et d’opposition considéraient comme les principales forces et qu’ils aidaient avant dimanche, ont subi un énorme coup politique lorsqu’elles ont toutes deux été battues par Milei. Cela met leurs structures de direction en crise et plonge le régime capitaliste du pays encore plus dans la crise et l’incertitude, en vue de l’avenir.

Dans le cas de Ensemble pour le changement, c’est finalement Patricia Bullrich, avec le soutien de Macri, qui l’a emporté sur Larreta, qui a eu un vote très faible. La candidate n’a même pas atteint 20 % des voix, douze points derrière Milei qui lui a volé son espace et son discours, apparaissant aujourd’hui avec plus de possibilités pour ceux qui veulent ce type de profil et de propositions. Bullrich devra ramer beaucoup pour essayer d’atteindre le second tour et ce n’est pas du tout garanti. Elle se dirige vers une situation très difficile aux élections générales, bien qu’en même temps il ne soit pas exclu qu’elle puisse progresser en raison de la crise de l’officialisme.

Dans le cas du péronisme et d’Union pour la patrie, leurs plans n’ont pas du tout fonctionné. Seul Kicillof a pu gagner à la province de Buenos Aires, quoique de justesse. Sergio Massa avait pour objectif d’être le candidat le plus voté individuellement, même s’il perdait en tant que front, et d’être ainsi mieux préparé pour les générales. Il n’y est pas parvenu, se classant loin derrière Milei et, au total, en tant que front, un peu derrière Ensemble, alors qu’au sein du front, ce qu’on appelle le kirchnerisme est très flou. Quoi qu’il en soit, si le vainqueur est Milei, Massa essaiera de se développer et d’entrer dans le ballottage en profitant de la crainte d’une grande partie de la population de voir Milei devenir président. Il fera tout ce qui est en son pouvoir pour y parvenir, d’abord essayer de prendre toutes les voix de Grabois[6], qui a fait un bon score, avec plus de 5 %, et à partir de là, il essaiera d’attirer un autre groupe qui n’a pas voté ou même qui a voté Larreta. Son handicap est qu’ils sont le gouvernement, qu’ils ajustent tous les jours et que cela les limite, comme la dévaluation qu’ils viennent de faire. Ce cadre leur crée des difficultés.

Le vote national du Front de gauche[7]

Notre front a obtenu un peu plus de 628 000 voix dans la catégorie présidentielle, la formule Bregman-del Caño l’emportant sur notre liste Solano-Ripoll, et un peu plus de voix dans les postes législatifs. Le résultat obtenu s’inscrit dans le cadre complexe d’un scénario général de crise et de glissement vers la droite, qui constituait une difficulté pour la gauche, et avec l’ajout du fait que la liste de Grabois a servi à contenir le mécontentement à l’intérieur du péronisme. Dans ce contexte, le vote FIT-U a été quelque peu inférieur à celui des présidentielles de 2019, mais il a également reflété un fait évident : la consolidation d’une frange importante d’électeurs qui continuent à choisir la gauche anticapitaliste et socialiste malgré la situation difficile. C’est une donnée à souligner. Quelque chose qui, par exemple, n’est pas arrivé au Nouveau MAS de Castañeira, qui a parlé pendant la campagne de « renouveler la gauche », mais avec son sectarisme marqué à l’égard du FIT-U et son rejet de l’unité, il a perdu beaucoup de voix, tombant à un très faible 0,35 %, ce qui constitue un fort échec.

Le maintien de cette importante base sociale ouvrière et populaire est une conquête de notre front qui mérite d’être revendiquée et qui ratifie la valeur d’un espace d’unité de la gauche au-delà de toutes ses faiblesses. Dans ce cadre, il est également bon de noter que nous n’avons pas pu progresser dans ce cas ni attirer une nouvelle partie des mécontent.e.s, ni à faire en sorte qu’une nouvelle frange choisisse la gauche comme vote sanction. Cela témoigne, à notre avis, des problèmes de politique et d’orientation que connaît notre front et que nous avons soulignés avec insistance toutes ces années, avant et pendant la campagne électorale.

Sur la base de ce vote général du FIT Unité, nous apprécions la campagne menée par notre liste « Unité des militants et de la gauche » entre notre MST et le PO, qui s’est battue dans tout le pays et a gagné à CABA[8], Salta, Catamarca et Chaco, et dans certaines catégories dans d’autres provinces, avec une grande campagne à la province de Buenos Aires avec Alejandro Bodart comme candidat au poste de gouverneur. Et nous l’avons fait en proposant un projet de front plus fort, qui convoque plus, plus démocratique, qui promeut l’organisation permanente des luttes ouvrières et populaires, de sorte qu’il cesse d’être un simple front électoral, ce que le PTS ne se propose pas, à tort. Le fait de ne pas avoir gagné au niveau national à cette occasion n’élimine pas la nécessité de continuer à lutter pour notre projet de front, au contraire, cela renforce cette besoin. C’est pourquoi nous mettons tout ce que notre liste a obtenu au service de la poursuite de la lutte pour améliorer et renforcer le Front de gauche, afin qu’il puisse jouer un rôle positif dans le pays à venir.

Bien entendu, dans le cadre de cette lutte politique, nous nous préparons à mener une forte bataille électorale lors de la campagne pour les élections du 22 octobre, maintenant à partir des listes communes de l’ensemble du Front de gauche dans tout le pays, avec la formule présidentielle gagnante et avec notre militantisme du MST intégrant les listes du FIT-U partout. Et nous le ferons avec force et contre toutes les listes de Milei, du PJ, de Ensemble pour le changement. Nous le ferons comme un nouveau chapitre de la lutte contre les plans qui s’annoncent, une lutte que nous approfondirons contre le candidat et le parti qui seront finalement au pouvoir à la fin de l’année.

Notre triomphe très important à la Capitale avec Cele Fierro

S’il y a un fait notoire et majeur aux primaires du FIT-U, c’est que dans la capitale du pays, avec Cele Fierro comme législatrice et Vanina Biasi comme cheffe de gouvernement, nous avons gagné, obtenant plus de 65 % des voix sur la liste du PTS et de Izquierda Socialista. Ainsi, ces deux camarades constitueront la formule du front en octobre, ce qui représente un résultat remarquable pour notre liste aux primaires.

Dans cette circonscription clé, nous allons vers une grande bataille politique contre Jorge Macri candidat du PRO, contre les péronistes qui présentent Santoro, contre Marra candidat de Milei. Et avec notre camarade du MST Cele Fierro en tête, nous mènerons la lutte pour renforcer le Front de gauche dans la Législature, une tâche politique énorme et importante que nous assumons avec détermination et qui nous a valu le soutien de milliers de travailleurs.euses et de jeunes dans la Capitale ce dimanche 13. C’est là où  il est le plus probable d’obtenir des député.e.s de gauche et de notre front, pouvant augmenter la représentation de notre bloc.

Nous mènerons cette bataille politique de toutes nos forces parce qu’elle est très nécessaire et en raison de l’importance politique de la capitale du pays. C’est pour cette même raison que nous invitons tous nos sympathisant.e.s et ami.e.s à se joindre à la campagne, car l’obtention d’un ou de plusieurs sièges au sein de la Législature sera une nouvelle conquête politique et de lutte du Front de gauche et de notre parti, que nous mettrons au service de renforcer toutes les luttes politiques et sociales qui se déroulent dans la Capitale et dans l’ensemble du pays.


[1]    Candidat de l’extrême droite.

[2]    Coalition de droite, autour du parti PRO, de l’ex président Mauricio Macri.

[3]    Coalition péroniste, autour du Parti justicialiste, aujourd’hui au pouvoir.

[4]    7 % plus d’abstention qu’aux présidentielles 2019.

[5]    5 %, en 2019 c’était 3 %.

[6]    Précandidat présidentiel aux primaires péronistes, plutôt de centre-gauche.

[7]    Coalition de quatre partis trotskistes : MST, PO, PTS, IS.

[8]    Acronyme en espagnol de Ville autonome de Buenos Aires, capitale du pays.