2ème Congrès LIS : Document sur la situation mondiale

Contribution au débat sur la situation mondiale. Vers plus de crises, de guerres, de révolutions

L’ordre mondial issu de la coexistence pacifique entre l’impérialisme et la bureaucratie stalinienne s’est effondré il y a plus de 30 ans. L’impérialisme américain, vainqueur apparent de cette « guerre froide », a cru qu’il parviendrait rapidement à construire un nouvel ordre derrière son hégémonie absolue. Mais la réalité s’est avérée bien plus complexe. Sans son partenaire contre-révolutionnaire, en quelques années, la mondialisation et le néolibéralisme qu’ils avaient réussi à imposer ont commencé à s’effondrer et le chaos s’est installé.

Nous assistons à un monde en plein bouleversement. Un monde de plus en plus polarisé, qui se dirige vers des crises de plus en plus graves ; des guerres et des conflits entre les anciennes puissances décadentes et les nouvelles qui se préparent à prendre leur place ; des luttes, des rébellions et des révolutions dans un nombre croissant de régions du monde.

Ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner comme ils le faisaient auparavant, mais ceux d’en bas se battent les bras liés parce qu’ils n’ont pas des directions à l’hauteur des événements. Cela a empêché une définition concluante entre les deux classes sociales qui se battent pour le pouvoir depuis plus d’un siècle, l’une consciemment et l’autre inconsciemment, sans direction qui l’emmènerait à la victoire.

Aujourd’hui plus que jamais, l’alternative pour l’humanité est Socialisme ou Barbarie. Ce texte, comme toute notre activité, est au service de continuer à avancer dans la construction du seul outil qui peut fournir à notre classe, la classe ouvrière, la conscience nécessaire pour affronter la lutte finale pour une autre société où nous pouvons vivre en harmonie entre les gens et avec la nature : un parti et une internationale socialistes révolutionnaires.

  1. Le capitalisme dans sa crise la plus profonde

Le capitalisme traverse la pire crise de son histoire, une crise systémique supérieure à toutes les précédentes. Les crises économique, politique, écologique, sanitaire, idéologique et d’hégémonie mondiale se combinent et se rétroalimentent en une crise civilisationnelle sans issue possible dans les marges du capitalisme.

La crise économique mondiale qui a éclaté en 2008 est la plus importante depuis la Grande Dépression des années 1930. L’économie mondiale ne s’en était pas encore remise lorsque la pandémie de Covid-19 l’a paralysée et a aggravé sa crise, qui a ensuite fait un nouveau bond avec la guerre en Ukraine. Aucune reprise n’est en vue ; le FMI, l’OMC et l’OCDE estiment tous qu’une nouvelle récession mondiale, ou quelque chose de très proche, est probable en 2023. Comme la racine de la crise réside dans la baisse tendancielle du taux de profit, le capitalisme n’a d’autre issue que d’accroître l’exploitation.

La pression impérieuse pour tenter de restaurer la rentabilité conduit les gouvernements tant traditionnels comme d’extrême droite et réformistes à mettre en œuvre des ajustements contre les peuples travailleurs, précipitant ainsi des rébellions, des révolutions, des crises politiques des régimes dans toutes les régions du monde. L’incapacité des gouvernements capitalistes de toutes couleurs à résoudre les problèmes des masses conduit à une polarisation croissante et à des rébellions récurrentes qui empêchent les régimes de construire une quelconque stabilité et perpétuent la crise politique. Celle-ci est à son tour alimentée par la crise idéologique qui ne cesse de croître depuis l’effondrement du Consensus de Washington avec la crise de 2008 et la remise en question du capitalisme à une échelle de masse.

Le fait que la crise de 2008 ait eu son épicentre aux États-Unis, ainsi que leur affaiblissement militaire et géopolitique depuis leur défaite en Irak et en Afghanistan, et la croissance économique et géopolitique de la Chine, génèrent une crise d’hégémonie mondiale. Celle-ci s’approfondit avec une dispute inter-impérialiste croissante pour une masse de profits en diminution, intensifiant les frictions inter-impérialistes et remettant sur la table la possibilité d’une guerre mondiale nucléaire.

Le désespoir de retrouver la rentabilité continue également à aggraver la crise écologique catastrophique. Malgré les rapports annuels des conférences de l’ONU sur le changement climatique eux-mêmes, qui présentent un tableau de plus en plus alarmant de la probabilité de franchir un point de non-retour dans le réchauffement climatique qui menace la survie de l’espèce humaine ; malgré les catastrophes écologiques qui se multiplient dans le monde avec des incendies, des sécheresses, des inondations et d’autres événements climatiques extrêmes ; le capitalisme maintient des modes de production polluants, destructeurs et émetteurs de gaz à effet de serre bien au-delà de tout plan qui pourrait inverser la dynamique destructrice. Et il est incapable de faire autrement.

La pandémie de Covid19 a ajouté une autre dimension à la crise systémique du capitalisme. D’une part, elle a révélé que son mode productif génère des épidémies et des pandémies mortelles. D’autre part, elle a démontré par d’innombrables millions de morts l’incapacité absolue du capitalisme à faire face à ces pandémies. La crise sanitaire n’a pas pris fin avec le contrôle relatif du Covid19, dont les causes sont toujours intactes, et constitue un aspect permanent de la crise du système capitaliste.

Toutes les dimensions de la crise systémique actuelle montrent sans aucun doute l’épuisement du capitalisme, qui n’est plus capable de développer les forces productives ni d’être le moteur d’un quelconque progrès pour l’humanité. Au contraire, il perpétue une destruction sans précédent de la nature et de l’humanité, les deux principales sources de richesses. Il le fait en détruisant l’environnement au point de mettre en péril sa capacité à soutenir la vie humaine ; il le fait en générant des pandémies qu’elle est incapable de contrôler ; il le fait en approfondissant sa dispute pour le profit qui fait resurgir la possibilité de guerres mondiales et d’holocaustes nucléaires ; il le fait en nous conduisant vers le précipice de la barbarie et de l’extinction. En même temps, il est incapable d’arrêter ou d’inverser cette dynamique destructrice ; il ne peut agir contre l’impératif de retrouver la rentabilité avant tout.

Ceux qui prédisaient qu’avec la chute de l’URSS, le capitalisme atteindrait une nouvelle étape d’expansion et de développement ont été démentis par la dure réalité. Le capitalisme n’a rien d’autre que la misère et la destruction à offrir à l’humanité. Tout réformisme est utopique, tout possibilisme est une illusion.

Tous les projets qui ont proposé de radicaliser la démocratie, de freiner le néolibéralisme, de redistribuer les richesses ou d’améliorer de quelque manière que ce soit les conditions des masses sans détruire le capitalisme se sont soldés par un échec cuisant. Tous les gouvernements autoproclamés progressistes ou nationalistes ont fini par appliquer les mêmes recettes d’ajustement que les gouvernements néolibéraux. Les projets de gauche large comme Syriza ou Podemos, ou les figures radicales comme Boric et Pedro Castillo, sont devenus également des administrateurs de l’ajustement lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir.

Non seulement il est impossible de mettre en œuvre des changements majeurs en faveur des majorités au sein du capitalisme : même les mesures les plus modérées ne sont pas tolérées par un système qui coule s’il n’approfondit pas l’exploitation par l’ajustement et la répression. Il n’y a pas de marge pour une quelconque orientation keynésienne, comme certains l’ont analysé pendant la pandémie, ou pour des concessions réformistes.

Pour la même raison, les projets de droite et d’extrême droite qui arrivent au pouvoir échouent et tombent également. Parce qu’ils ne peuvent pas non plus être à la hauteur des attentes qu’ils génèrent en matière de changement et de solutions.

Aujourd’hui, aucune solution partielle ou de fond aux problèmes auxquels sont confrontées les majorités n’est possible sans la défaite de la classe bourgeoise et de ses États. Il faut détruire le capitalisme et prendre le pouvoir afin de construire une société socialiste dans laquelle les masses travailleuses déterminent démocratiquement leur destin.

  1. Des frictions croissantes entre les puissances impérialistes

L’affaiblissement relatif de la principale puissance mondiale, les États-Unis, la croissance de la Chine en tant que puissance économique et militaire, et l’intensification de la lutte mondiale pour la plus-value depuis la crise de 2008, ont renforcé une dynamique de frictions et de conflits inter-impérialistes croissants.

La chute de l’URSS signifiait pour l’impérialisme américain la possibilité de devenir la seule superpuissance du monde. Cependant, elle l’a également laissé seul dans la position d’absorber les effets de la lutte de classe mondiale, ce qui lui a conduit à une attrition rapide. L’impasse dans laquelle se trouvent les forces américaines en Irak et en Afghanistan depuis les années 2000, et leur défaite ultérieure, l’ont considérablement affaibli à l’échelle mondiale. Des puissances sous-impérialistes ont obtenu une plus grande marge de manœuvre pour opérer au niveau régional et la Chine a commencé à émerger comme un concurrent mondial.

Les États-Unis sont restés, et restent aujourd’hui, clairement la principale puissance impérialiste dans le monde. Mais l’empressement des autres à occuper les espaces créés par leur affaiblissement relatif et la détermination des États-Unis à préserver et à reconquérir leur hégémonie provoquent une friction inter-impérialiste croissante.

La guerre en Ukraine est l’exemple le plus récent et le plus aigu de cette dynamique. La Russie, principale puissance de la région d’Europe de l’Est, cherche à regagner le terrain perdu après la dissolution de l’URSS, tandis que les États-Unis et l’OTAN cherchent à conserver le terrain gagné et à étendre leur propre sphère d’influence. Cette tension a généré une situation particulière dans la région après la décision de Poutine d’envahir l’Ukraine, qui a suscité à son tour la résistance du peuple ukrainien. L’OTAN fournit une assistance militaire au gouvernement de Zelensky, mais évite toute implication directe. Tant le danger de la situation, qui menace de dégénérer en un conflit majeur entre puissances nucléaires, que la détermination de la Russie et de l’OTAN à éviter de franchir certaines lignes rouges qui entraîneraient une escalade du conflit d’une manière qui, du moins pour l’instant, ne serait pas dans leur intérêt, sont évidents.

À l’échelle mondiale, cependant, le conflit le plus important est celui entre les États-Unis et la Chine. Le géant asiatique rivalise déjà avec les États-Unis sur le plan économique. La Chine a depuis longtemps dépassé les États-Unis en tant que principal partenaire commercial de l’Union européenne, de l’Afrique, de l’Amérique du Sud. Ces dernières années, elle a même commencé à se disputer le leadership dans les secteurs de production les plus avancés sur le plan technologique, ce qui a donné lieu à la « guerre tarifaire » entre les deux pays.

La Chine poursuit également une stratégie visant à devenir une puissance mondiale. Le projet de la Nouvelle route de la soie implique des investissements colossaux dans les infrastructures de dizaines de pays, des accords de libre-échange, des prêts millionnaires assortis d’accords qui cèdent à la Chine des ports et d’autres facteurs de souveraineté, ainsi que l’établissement des premières bases militaires chinoises à l’étranger.

D’autre part, les États-Unis ne veulent concéder aucune position et, depuis l’investiture de Biden, ils se montrent agressifs dans leur tentative de se rétablir en tant que puissance hégémonique mondiale après la période de retrait relatif pendant la présidence de Trump.

Au premier rang des plans d’expansion chinois figurent la reprise de Taïwan et l’établissement de son contrôle sur la mer de Chine méridionale. Ce point en particulier et ce qui précède en général intensifient les frictions de la Chine avec les États-Unis et leurs alliés. La récente visite de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, à Taïwan est révélatrice de l’agressivité américaine. Cependant, la réticence des États-Unis à prendre des mesures efficaces contre l’avancée chinoise et le refus de la Chine de soutenir ouvertement la Russie dans son invasion de l’Ukraine sont des signes qu’il n’est pas dans l’intérêt des deux parties d’intensifier le conflit pour le moment.

Certains secteurs de la gauche ignorent ou minimisent l’intensification des frictions inter-impérialistes mondiales, ce qui les laisse mal armés pour répondre aux conflits qui éclatent. D’autres exagèrent le conflit inter-impérialiste, comme si nous étions déjà au début d’une troisième guerre mondiale ou dans l’imminence irréversible d’une telle guerre, généralement au service d’une orientation campiste, considérant un côté impérialiste comme moins mauvais que l’autre. Ou encore en suscitant un défaitisme erroné dans les conflits régionaux, comme l’invasion russe de l’Ukraine, qui finit par profiter à l’impérialisme russe.

La réalité est qu’une guerre mondiale imminente ou à court terme n’est pas le scénario le plus probable aujourd’hui. Ce qu’il y a, c’est une intensification croissante des tensions entre les camps impérialistes. Aucune des puissances ne se voit encore en position d’affronter un conflit mondial. Les blocs et alliances existants ne sont pas non plus solides, comme l’a montré la guerre en Ukraine. Les contradictions entre les États-Unis et l’Union européenne, qui entretient ses propres relations commerciales et politiques avec la Russie et la Chine, montrent que les alliés de l’OTAN n’ont pas tous les mêmes intérêts. Même au sein de l’Europe, comme le Brexit l’a clairement montré, il existe des intérêts contradictoires. De même, la Chine, qui avait approfondi sa collaboration avec la Russie, a pris une distance relative depuis l’invasion de l’Ukraine.

Cependant, même si une escalade mondiale n’est dans l’intérêt d’aucune d’entre elles aujourd’hui, le conflit réel sur la plus-value au milieu de la crise signifie que la dynamique est celle d’un conflit croissant. Bien que la perspective immédiate ne semble pas être celle d’une confrontation militaire ouverte entre les différentes puissances mondiales, nous ne pouvons pas exclure que la dynamique évolue dans cette direction à l’avenir. Nous devons nous attendre à ce que l’instabilité générale prédomine et que plus des guerres et des conflits locaux ou régionaux soient probables.

Nous avons besoin des analyses et des caractérisations les plus précises possibles de la situation actuelle de la dispute inter-impérialiste afin de développer la politique et l’orientation les plus appropriées pour intervenir et pour nous construire dans la situation actuelle.

  1. Un an de guerre en Ukraine

Les victimes de l’invasion de l’armée russe se comptent par dizaines de milliers et les personnes déplacées par millions. La destruction des infrastructures du pays se chiffre en milliards de dollars. Et au niveau international, elle a aggravé la crise économique et sociale en provoquant une augmentation du prix des denrées alimentaires et des carburants, ainsi qu’en alimentant la croissance de la course aux armements dans les pays impérialistes comme on ne l’avait pas vu depuis des décennies, réintroduisant l’incertitude quant à une éventuelle issue nucléaire aux conséquences imprévisibles si les menaces constantes de Poutine à cet égard sont mises à exécution à l’avenir.

L’intégrité territoriale de la Russie n’était pas menacée lorsque Poutine a décidé d’envahir l’Ukraine. La Russie a envahi l’Ukraine pour la soumettre et la réintégrer dans sa sphère d’influence régionale. Elle pensait qu’elle parviendrait à ses fins en quelques jours et que cela la renforcerait non seulement sur le plan régional, mais aussi dans ses relations en tant que partenaire stratégique de l’impérialisme chinois naissant. Mais c’était sans compter sur la résistance farouche et héroïque du peuple ukrainien. Poutine n’a pas pu se rendre à Kiev, évincer Zelensky et mettre en place son gouvernement fantoche. Il s’est enlisé depuis un an maintenant et n’est toujours pas en mesure de prendre le contrôle total d’une quelconque région. Il a subi la perte de dizaines de milliers d’hommes et d’une quantité importante d’armes. Cela l’a obligé à recruter des centaines de milliers de nouveaux combattants, à impliquer la Biélorussie dans le conflit, à recevoir une aide matérielle de l’Iran.

Avant l’invasion, l’OTAN était affaiblie, et le rôle des États-Unis en tant qu’impérialisme hégémonique était remis en question. Aujourd’hui, sans avoir surmonté la crise, l’OTAN et les États-Unis se sont renforcés. Poutine leur a donné l’excuse pour se réarmer militairement, ajouter des pays à l’alliance et regagner une partie de l’autorité politique que les États-Unis avaient perdue parmi leurs alliés.

Pour mener une politique correcte, il faut comprendre les deux processus à l’œuvre dans ce conflit : la juste défense par le peuple ukrainien de sa souveraineté et de son intégrité territoriale et, en même temps, le différend inter-impérialiste croissant qui, datant d’avant l’invasion, s’est dangereusement aggravé depuis le début de celle-ci.

Une grande partie de la gauche a échoué à l’épreuve de ce conflit et a fini par s’aligner sur l’impérialisme russe. La gauche campiste traditionnelle a été rejointe par divers courants identifiés au trotskisme qui, avec des arguments variés et en se concentrant exclusivement sur la dénonciation de l’OTAN, ont refusé de soutenir la résistance ukrainienne et son droit à l’autodétermination, se plaçant ainsi dans la tranchée de Poutine.

Depuis un an que dure la guerre en Ukraine, il n’y a pas eu de confrontation militaire ouverte entre l’OTAN et la Russie. C’est pourquoi le slogan du défaitisme révolutionnaire brandi par divers secteurs est complètement faux et finit par être fonctionnel pour Poutine. Ce qu’il y a jusqu’à présent, c’est une guerre sur le territoire ukrainien provoquée par les aspirations impérialistes de la Russie contre un pays semi-colonial. Et les États-Unis profitent de cette situation pour se renforcer en Ukraine, en Europe de l’Est et au niveau international. Jusqu’à présent, aucune des ailes de l’impérialisme ne semble être prête à franchir certaines limites et à faire évoluer le conflit vers une confrontation mondiale. C’est pourquoi les États-Unis et l’Europe réduisent leur aide militaire et ne mettent pas les pieds en Ukraine, la Russie ne progresse pas vers les États membres de l’OTAN, la Chine ne s’est pas directement impliquée dans la guerre au-delà de quelques déclarations . Mais ils jouent avec le feu, mettant l’humanité au bord de l’holocauste.

Quant à l’aide économique et militaire américaine et européenne au gouvernement Zelensky, il importe d’être aussi objectif que possible. Elle a commencé tardivement, lorsqu’il était clair que la résistance du peuple travailleur ukrainien empêchait toute négociation hâtive. Elle a été importante pour soutenir la défense des positions de l’armée ukrainienne, tout en permettant à l’impérialisme occidental de s’effacer cyniquement en tant que « défenseur d’une cause juste ». Mais à aucun moment elle n’a servi à définir la guerre en faveur de l’Ukraine. Ils n’ont jamais envoyé d’armes de pointe à longue portée et ne le feront jamais.

Au sein de la LIS, nous n’avons jamais participé à la demande des armements à l’impérialisme occidental et nous nous opposons à la course à l’armement qui a été déclenchée dans le monde, mais nous n’avons pas non plus soutenu les actions de boycott de la livraison d’armes à l’Ukraine promues par les amis de Poutine.

Dès le début, nous avons soutenu le droit du peuple ukrainien à se défendre contre l’invasion de son territoire avec tous les moyens à sa disposition. Nous avons exigé le retrait inconditionnel de l’armée russe, la dissolution de l’OTAN et le retrait de l’impérialisme occidental de toute l’Europe de l’Est. Et sur le terrain, nous avons mené une politique indépendante de Zelensky et mis en garde contre les intentions colonialistes des forces de l’OTAN.

Nous sommes pour la paix, mais sans annexions par la Russie. Et le droit à l’autodétermination pour les régions ukrainiennes qui le demandent, tant qu’il peut être exercé librement, sans la botte de l’oligarchie russe.

La globalité de cette politique est basée sur les enseignements du léninisme, elle tient compte de la combinaison des tâches énoncées, et c’est pour la mettre en avant dans la classe ouvrière et la jeunesse de tous les pays, qu’ils soient impérialistes ou dépendants, en lutte contre les bourgeoisies et les campistes.

Soutenir la résistance ukrainienne signifie prendre position pour la défaite de la Russie dans ce conflit. Les campistes, afin d’alimenter le moulin de Poutine, crient qu’une victoire de l’Ukraine renforcerait les États-Unis et l’OTAN. La question que nous, révolutionnaires, devons nous poser est de savoir ce qui renforcerait le plus notre classe, la classe ouvrière ukrainienne, russe, biélorusse et de toute la région. Nous n’avons aucun doute : la défaite et l’expulsion de l’armée russe par la résistance ukrainienne revigorerait la classe ouvrière, libérerait des forces et serait très probablement le début d’un processus révolutionnaire dans toute la région. En Ukraine, une fin victorieuse de la guerre amènerait les travailleurs à affronter avec une force renouvelée les réformes anti-ouvrières que le gouvernement Zelensky a profité de la guerre pour mettre en œuvre. En Russie et en Biélorussie, la possibilité d’un renversement révolutionnaire des gouvernements autoritaires de Poutine et de Loukachenko pourrait s’ouvrir, entraînant une chaîne de bouleversements sociaux et politiques. Tandis qu’une victoire russe renforcerait les régimes et gouvernements répressifs qui écrasent aujourd’hui toute expression de résistance.

Les possibilités de faire avancer la construction d’alternatives révolutionnaires en Europe de l’Est sont également étroitement liées au développement de la guerre. Nous devons pousser à l’unité d’action la plus large possible contre la guerre et en soutien à la résistance ukrainienne, tout en nous démarquant nettement de l’OTAN et de l’impérialisme occidental.

Malheureusement, l’orientation claudicante des campistes envers l’impérialisme russe et les confusions de ses alliés circonstanciels ont empêché la formation d’un mouvement de masse derrière une politique correcte, ce qui joue en faveur de la poursuite de la guerre. Cela nous oblige à redoubler les initiatives et à développer une campagne permanente pour donner la plus grande visibilité possible à nos propositions.

  1. Polarisation, crises des régimes, espace à gauche

Nous assistons à un monde de plus en plus polarisé socialement et politiquement, à des sociétés divisées et conflictuelles. La crise a mis à mal tous les régimes et les partis traditionnels bourgeois et conciliants. De plus en plus, les masses voient dans l’action directe, et non dans les mécanismes des institutions établies, la possibilité de résoudre leurs problèmes. Nous assistons à une période de grands bouleversements sociaux, de grèves, de rébellions, de révolutions.

L’énorme dimension de la crise que nous traversons et l’échec des gouvernements nationalistes, populistes et de centre-gauche qui, dans les premières années du nouveau siècle, ont suscité de grandes attentes dans le mouvement de masse, ont ouvert la porte à la croissance des forces conservatrices et de droite dans pratiquement tous les pays. Les médias de masse ont joué un rôle très important dans cette évolution.

Les droites au pouvoir n’ont pas non plus réussi à stabiliser la situation économique et à mettre en œuvre le programme qu’elles s’étaient fixé. Dans la plupart des cas, elles ont échoué face à la résistance des travailleurs. Cela a permis, dans certains cas, aux anciennes forces de centre-gauche de revenir au gouvernement sans que le mouvement de masse n’en attende autant que par le passé, et dans d’autres cas, de nouvelles formations du même type sont apparues. Cette alternance d’un nouveau bipartisme, qui ne repose pas sur de partis bourgeois ou sociaux-démocrates solides comme par le passé, mais plutôt sur des coalitions peu structurées et avec peu de contrôle social, fait partie de l’étape actuelle que nous vivons.

La crise de la démocratie, dont on parle dans des cercles de plus en plus larges de l’intelligentsia occidentale, reflète l’érosion des régimes démocratiques bourgeois et des partis traditionnels après des décennies de frustration et de détérioration du niveau de vie des masses. Bien que l’impérialisme dominant en général continue de miser sur la démocratie bourgeoise, parce qu’il la considère toujours comme la manœuvre la plus efficace pour canaliser la mobilisation et le débordement des masses, l’incrédulité croissante à l’égard des mécanismes institutionnels l’oblige à faire de plus en plus appel à la répression et à l’autoritarisme.

La crise des mécanismes de domination ouvre des espaces de plus en plus larges pour attirer des couches de masse. L’extrême droite en profite pour se positionner parmi les secteurs les plus conservateurs et les plus arriérés du mouvement de masse. Les socialistes révolutionnaires, nous devons déployer avec audace toutes les initiatives, orientations et tactiques à notre disposition pour commencer à capitaliser sur l’espace qui existe aussi pour l’extrême gauche et qui aura tendance à croître avec l’aggravation de la crise. Pour en profiter, en plus d’être à l’avant-garde des luttes, nous devons faire des propositions de fond, non seulement contre les gouvernements mais aussi contre les régimes, les directions traîtresses et faire de la propagande pour le système pour lequel nous luttons et la nécessité de regrouper les révolutionnaires.

Nous ne devons pas perdre de vue qu’il existe en même temps un grand nombre de nouveaux États capitalistes, regroupant des milliards de personnes, où la démocratie bourgeoise n’a jamais été institutionnalisée. Dans d’autres, elle a été abandonnée depuis longtemps. La Chine, la Russie, l’Iran, Cuba, le Venezuela, le Nicaragua, la Syrie et des dizaines de pays arabes et africains ont des régimes autoritaires et très peu de marge pour accorder des libertés démocratiques et rester au pouvoir. C’est pourquoi ils déclenchent une répression brutale lorsque le mouvement de masse les insurge. Dans les processus de mobilisation qui ont lieu dans certains de ces pays, nous devons participer activement et ne pas céder au campisme qui cherche toujours à discréditer les actions de masse et à justifier la répression « pour ne pas faire le jeu de l’impérialisme ». Soutenir les véritables expressions de mécontentement avec une politique qui se différencie à la fois tant de la droite et de l’impérialisme comme des gouvernements capitalistes autoritaires sous des habits de gauche est crucial pour attirer l’avant-garde et des franges des masses dans ces endroits. Un exemple de la manière dont nous devrions agir par rapport à ces processus est le succès de la Campagne et caravane internationales pour la libération des prisonniers politiques au Nicaragua que nous avons promues depuis la LIS et qui nous a permis de démontrer dans la pratique que Ortega et son régime n’ont rien à voir avec la gauche et le socialisme. Cette Campagne a été décisive pour obtenir la libération ultérieure des prisonniers politiques. Un autre exemple est le développement de notre groupe en Ukraine sur la base d’une position correcte face à l’invasion et aux différentes ailes impérialistes.

  • L’extrême droite : ses progrès, ses limites

En tant qu’expression politique de la polarisation sociale mondiale, dans de nombreux pays, non seulement les forces de droite mais aussi les forces d’extrême-droite se développent. La profondeur de la crise que traverse le capitalisme et le recul des bipartismes traditionnels leur permettent d’apparaître comme une alternative politico-électorale pour des secteurs moyens, populaires, voire ouvriers. Dans différentes variantes, leur discours combine des positions néolibérales, anti-immigrants et anti-musulmans, racistes, anti-droits de genre, négationnistes des catastrophes environnementales, populistes et pro-« liberté », pro-autochtones et pro-jeunes.

Les défaites de Trump et de Bolsonaro ont globalement affaibli ce secteur, mais dans le même temps, ils ont montré une base sociale importante et des liens avec des secteurs religieux, judiciaires et militaires. C’est un phénomène politique non transitoire qui est là pour rester. En Europe, ils sont présents dans tous les parlements et gouvernent dans plusieurs pays, comme l’Italie, la Hongrie, la Pologne et la Slovénie. Déjà un État contre-révolutionnaire, l’ultra-droite sioniste a également gagné en Israël.

Sur tous les continents, le réformisme exagère le pouvoir de la droite et de l’ultra-droite pour tenter de justifier sa stratégie de conciliation de classe sous l’éternelle excuse du « moindre mal ». Leur piège, ce sont les pactes politiques et électoraux et/ou le soutien aux gouvernements bourgeois, qu’il ne faut pas confondre avec la nécessaire unité d’action pour impulser la mobilisation contre les forces néo-fascistes et plus extrémistes.

La propagande selon laquelle la seule chose qui progresse dans le monde est la droite et le fascisme est également alimentée par les secteurs sceptiques de la gauche marxiste, qui, en raison de cette vision déséquilibrée de la réalité, finissent par tomber dans l’opportunisme du « possible » ou bien dans un sectarisme testimonial.

Les révolutionnaires, nous devons mettre en question toute surestimation de l’extrême droite, sans commettre l’erreur inverse de la minimiser. Au contraire, son évolution doit être suivie très attentivement car elle constitue un danger actuel et potentiel.

Malgré certains éléments communs, les forces d’extrême-droite actuelles se distinguent du fascisme et du nazisme classiques en ce qu’elles agissent jusqu’à présent dans les limites de l’institutionnalité de la démocratie bourgeoise. Et il n’y a pas encore de secteurs importants de la bourgeoisie impérialiste qui ont décidé d’utiliser l’extrême droite pour aller contre la classe ouvrière et le peuple avec des méthodes de guerre civile. Mais dans plusieurs pays, des actions violentes directes se multiplient, promues par les discours réactionnaires de ce secteur ou directement organisées par eux, par exemple contre les migrants ou la gauche radicale.

De même, certains gouvernements de droite et même de « centre-gauche », alors que la crise économique réduit au minimum les marges de concessions, afin d’imposer leurs plans d’ajustement, adoptent un comportement autoritaire et augmentent leurs budgets répressifs et militaires, parfois même avec des traits dictatoriaux. Par conséquent, les confrontations avec le mouvement de masse seront plus dures et en même temps, à côté des revendications économiques et sociales, il est nécessaire de maintenir la défense des droits, des libertés et des garanties démocratiques. Partout où la jeunesse s’organise pour affronter culturellement les bandes néo-fascistes, nos jeunes doivent participer.

  • La rébellion progresse et s’étend. La montée, ses forces et faiblesses.

Le rôle stratégique de la classe ouvrière.

Depuis plusieurs années maintenant, nous assistons à une montée régulière de la lutte des classes au niveau international. À l’heure actuelle, le point culminant est mené par les masses appauvries du Pérou et la classe ouvrière de France et du Royaume-Uni. Mais depuis 2018, nous avons vu des grèves générales, des mobilisations de masse, des semi-insurrections et des rébellions dans un grand nombre de pays. C’est cela, et non la croissance de la droite, qui est le plus dynamique dans la situation mondiale.

En 2018, les gilets jaunes ont fait irruption en France, la rébellion des jeunes a éclaté au Nicaragua, les luttes des femmes ont commencé à inonder les rues et un soulèvement au Soudan a salué 2019, une année où la montée a fait un bond spectaculaire : le Chili et le Liban se sont soulevés et les mobilisations sont devenues massives à Hong Kong, en Irak, en Équateur, en Haïti, à Porto Rico, en Bolivie, en Colombie, au Honduras.

En 2020, si le début de la pandémie a partiellement freiné la montée, il n’a pas empêché d’énormes mobilisations aux États-Unis suite à l’assassinat de George Floyd, qui ont relancé le mouvement Black Lives Matter au niveau international. En Biélorussie, un soulèvement contre la fraude électorale a mis le dictateur Loukachenko dans les cordes, de nouvelles révoltes ont eu lieu au Liban et en Irak, des grèves générales en Inde, au Myanmar et des protestations en Iran, en Algérie, en Bolivie et le Fora Bolsonaro est descendu dans la rue au Brésil.

En 2021, la rébellion s’est étendue à la Colombie, il y a eu de grandes mobilisations à Cuba, au Paraguay, en Russie, et 2022 a commencé par un soulèvement au Kazakhstan, l’organisation d’une résistance massive des travailleurs ukrainiens pour faire face à l’invasion russe, des grèves nationales en Équateur et au Panama, une semi-insurrection au Sri Lanka et s’est terminée par des grèves en Europe et la révolution toujours en cours au Pérou.

Bien que l’épicentre de la montée soient l’Amérique latine et le Moyen-Orient, des processus et des rébellions ont eu lieu dans toutes les latitudes, montrant que nous traversons une nouvelle phase mondiale. La vague de grèves au Royaume-Uni est très importante, car elle montre un changement qualitatif après une vingtaine d’années conditionnée par la défaite de la lutte héroïque des mineurs par Margaret Thatcher ; mais aussi le processus de mobilisation en France contre la réforme des retraites.

La contradiction la plus importante reste l’absence de directions révolutionnaires ayant une accumulation suffisante dans le mouvement ouvrier pour influencer le résultat des luttes et dans les semi-insurrections qui se développent. C’est l’explication de fond pour laquelle la plupart de ces processus ne parviennent pas à remporter des victoires catégoriques, sont déviés par les mécanismes de la réaction démocratique ou vaincus par la répression étatique.

Nous devons prendre le temps d’analyser les faiblesses de la montée et de discuter de la manière dont on peut les contrer. Dans la plupart des processus les plus aigus, la classe ouvrière ne participe pas de manière forte et organisée. Les semi-insurrections ont une composition populaire, où les travailleurs interviennent mais individuellement et non par le biais de leurs organisations syndicales. Ces dernières, contrôlées pour la plupart par des bureaucraties pro-bourgeoises et conciliantes, s’efforcent dès le début d’empêcher la classe ouvrière de devenir un protagoniste. Jusqu’à présent, nous n’avons pas vu de débordements significatifs de la part des anciens dirigeants et les grèves générales et les mobilisation qu’ils sont obligés d’appeler servent à décompresser et non à approfondir la lutte. Comme la classe ouvrière n’est pas l’avant-garde, l’émergence d’organismes démocratiques et la coordination des différents secteurs en lutte ne sont pas non plus facilitées.

La rébellion qui secoue le Pérou présente toutes ces faiblesses. Cependant, elle dure depuis deux mois maintenant et ils n’ont pas été en mesure de l’arrêter. Les masses paysannes, les peuples indigènes, les jeunes et les pauvres mènent une véritable révolution. Alors que le gouvernement illégitime de Dina Boluarte et le Congrès corrompu accentuent la répression, des secteurs de la droite, du centre-gauche et la bureaucratie de la CGTP s’unissent pour réclamer des élections anticipées afin de détourner la rébellion vers les urnes. Le bâton et la carotte pour tenter de maintenir sur pied un régime mort et un système effondré.

Au Pérou, le mot d’ordre d’une Assemblée Constituante est très profondément ressenti dans le mouvement de masse, comme il l’était dans la rébellion chilienne. Mais nous devons alerter le mouvement de masse sur le fait que sans vaincre d’abord le gouvernement et démanteler l’institutionnalité mise en place par le fujimorisme, ce qui ne peut être réalisé qu’en approfondissant la mobilisation, une élection constituante peut se transformer en piège, comme cela s’est produit au Chili. C’est pourquoi ce mot d’ordre ne peut être le centre de la politique des révolutionnaires. Ce qui est central, c’est la continuité de la mobilisation et la demande à la centrale ouvrière d’appeler à la grève générale jusqu’à la chute du gouvernement et l’appel aux organisations des secteurs en lutte à prendre le pouvoir. Ce n’est que de cette manière qu’il sera possible de prendre les mesures les plus urgentes en faveur des majorités populaires et d’appeler à une Constituante libre et souveraine pour réorganiser le pays sur de nouvelles bases.

Nous devons tirer des conclusions des processus auxquels nous participons. Faire des analyses précises et objectives, c’est la seule façon d’avoir des politiques d’intervention correctes et de nous construire en gagnant les meilleur.e.s militant.e.s pour nos méthodes d’organisation et notre programme.

Les capitalistes d’aujourd’hui n’ont pas assez de force pour infliger des défaites historiques aux luttes en cours, et bien que les problèmes de direction de notre classe et des secteurs populaires ne leur permettent pas non plus de résoudre la crise capitaliste en leur faveur, ils continueront à se battre contre les attaques contre le niveau de vie et contre l’autoritarisme grandissant. C’est pourquoi la perspective que nous visualisons est celle d’un approfondissement de la montée, avec plus de grèves, de mobilisations et de rébellions récurrentes.

Notre défi est de profiter de cette nouvelle étape dans chaque pays pour former nos jeunes cadres, nous structurer socialement et politiquement dans la classe ouvrière et les secteurs les plus dynamiques du mouvement de masse et faire des bonds en avant dans notre construction, en étant conscients que nous ne sommes qu’au début d’un processus qui aura tendance à s’approfondir et nous donnera de multiples occasions d’avancer.

À ce stade, ce n’est que si nous avançons dans la construction d’organisations socialistes révolutionnaires fortes et si nous parvenons à diriger des secteurs de notre classe, que nous pourrons devenir un facteur objectif qui contrebalancera les faiblesses des processus, aidera le mouvement ouvrier à jouer le rôle stratégique qu’il faut et contestera le pouvoir dans les prochaines rébellions et révolutions qui auront lieu. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons faire en sorte que la situation pré-révolutionnaire quenous traversons ne finisse pas par régresser, qu’elle devienne révolutionnaire et que nous puissions changer l’histoire.

  • L’écosocialisme comme contribution à la révolution

La catastrophe socio-environnementale provoquée par la matrice de production, de consommation et le régime de propriété privée-monopoliste du capitalisme est peut-être l’un des défis les plus imposants de notre époque historique : activer une véritable opération de sauvetage de notre civilisation, en arrachant tous les leviers de l’économie au capital et à la bourgeoisie impérialiste et en réorganisant tout sur de nouvelles bases. Loin de toutes les recommandations scientifiquement irréfutables sur la nécessité d’une transition énergétique post-fossile urgente, le monde assiste à un saut dans la pétro-dépendance et la re-carbonisation. La guerre en Ukraine, en limitant l’approvisionnement, n’a fait qu’encourager les investissements dans les formes de production d’énergie les plus néfastes et accroître le réchauffement climatique. Les grandes entreprises déploient à l’échelle mondiale une nouvelle offensive de l’impérialisme extractiviste : méga-mines, agrobusiness et même cimentation immobilière dans les grandes enclaves urbaines du monde. L’irrationalité du capital, alimentée par la loi du profit, est à l’origine des événements climatiques extrêmes que nous observons de l’Australie et de l’Asie du Sud à l’Europe occidentale, l’Amérique du Sud ou les Caraïbes, avec des conséquences désastreuses pour les masses pauvres.

En même temps, nous vivons une lutte idéologique difficile face à ce scénario. Les négationnistes de droite sont carrément absurdes. Cependant, ils jouent un rôle confusionniste que nous devons combattre. Les variantes du capitalisme vert proposent d’« inciter » les capitalistes pollueurs eux-mêmes à une reconversion écologique : une utopie réactionnaire. Une autre chimère insoutenable est diffusée par le réformisme : le Green New Deal promu par l’aile gauche des Démocrates aux USA, comme une sorte de keynésianisme vert, qui en fin de compte promeut l’idée fausse que sans toucher à la propriété privée des grands monopoles d’hydrocarbures, coexistant avec le capital polluant, le désastre peut être inversé. Un mensonge total.

Il existe également des débats au sein de la gauche marxiste. Des courants de dogmatisme fermé qui refusent d’assumer la nécessité de repenser les mesures programmatiques et d’enrichir le bagage du socialisme révolutionnaire, au révisionnisme vert, qui romantise de nouveaux sujets et repousse la classe ouvrière comme axe d’articulation et le parti révolutionnaire mondial pour l’action comme stratégie. Avec un certain poids dans le militantisme, il y a deux auteurs qui apportent des éléments d’analyse, tout en proposant des solutions que nous ne partageons pas : le « communisme dégressif » de Kohei Saito ou la logique de sabotage et de résistance civile d’Andreas Malm, opposés à l’expropriation, à la planification démocratique et au démantèlement de l’État bourgeois.

D’autre part, on assiste à la croissance du mouvement activiste, qui a acquis une vitalité internationale en 2018 avec les fameuses grèves climatiques, mais qui a d’importantes expressions régionales dans le monde entier, où même, bien que de façon balbutiante, des secteurs organiques de la classe ouvrière commencent à jouer un rôle avec leurs propres méthodes. Bien que pour l’instant le poids prédominant soit celui de la jeunesse, avec toutefois une sympathie étendue et croissante dans d’autres franges du mouvement de masse. Notre responsabilité en tant que socialistes révolutionnaires et internationalistes est d’être les meilleurs militants dans ces luttes, de nous lier avec les meilleurs de leurs avant-gardes, d’intervenir dans les événements internationaux, régionaux et nationaux sur le sujet, en mettant en avant notre issue antisystème, révolutionnaire, écosocialiste, internationaliste, en essayant de recruter les meilleurs éléments pour la construction de la LIS et de ses sections. Sur cette voie stratégique, la tactique de construction d’un puissant courant d’idées et d’action militante écosocialiste dans le mouvement socio-environnemental, en tant que regroupement de la LIS et de ses sections nationales, est une hypothèse d’intervention et de construction que nous devrons explorer en fonction des conditions spécifiques de chaque pays ou région.

Nos axes programmatiques proposent l’expropriation des pollueurs ; la reconversion industrielle, énergétique et professionnelle des travailleurs eux-mêmes, pour une production qui vise à assurer les valeurs d’usage social nécessaire, avec un contrôle ouvrier de la production, avec une planification démocratique nationale, régionale et internationale, en abolissant la propriété privée, les frontières nationales et en pariant sur la stratégie d’une collaboration sans asymétries impérialistes entre les peuples du monde. La rééducation socioculturelle de la consommation de masse, non pas pour une « éthique de la privation » mais pour la jouissance consciente et non aliénée de toutes les richesses produites par la classe ouvrière, sera une tâche à affronter dans le cadre d’une révolution sociale globale et avec le soutien de l’innovation technologique à ces fins, et non pour remplacer le travail humain par la rentabilité privée. Marx disait que le capitalisme avait fracturé le métabolisme entre la civilisation et la nature en épuisant les deux principales sources de création de richesse : la force de travail et les écosystèmes. Notre tâche stratégique est de restaurer cette dialectique sous une autre rationalité sociale, avec une autre logique humaine et universelle : le socialisme mondial avec démocratie et la conscience des limites physiques de la nature.

VIII. Genre : reflux de la vague, des luttes, des débats

De 2015 à 2019, avec des inégalités selon les pays et les régions, le monde a assisté à une véritable montée en puissance du mouvement féministe et, dans une moindre mesure, du mouvement LGBT. Entre autres, ses principaux moteurs ont été la mobilisation contre la violence machiste et le droit à l’avortement, cette dernière avancée ayant été gagnée en Argentine, en Irlande et dans d’autres pays.

L’auge de telle vague ne continue pas, mais il y a plutôt un certain reflux. Certains acquis de la lutte, la pandémie et la contre-offensive réactionnaire anti-droits ont conduit à l’impasse actuelle. Cela ne signifie pas que des processus de lutte n’émergent pas, mais ils n’atteignent pas l’ampleur et la radicalité de la période précédente.

Le point culminant de la dernière période a été le processus de mobilisation des femmes en Iran contre le port obligatoire du foulard islamique, initié par le meurtre de Mahsa Amini par la police religieuse, qui a fait exploser le mécontentement populaire accumulé en une véritable rébellion contre le régime théocratique et capitaliste dictatorial des mollahs.

La réduction du droit à l’avortement aux États-Unis fait partie d’une contre-offensive politico-religieuse réactionnaire. Ainsi, nous vivons une véritable bras de fer entre la réduction des droits et leur défense ou leur extension. En cherchant à inverser sa crise systémique, le capitalisme s’attaque donc à tous les droits : économiques-sociaux, du travail et syndicaux, de retraite, humains, démocratiques et civils, environnementaux et aussi les droits des femmes et des personnes LGBT et non-binaires. En réponse, il y a des luttes. Il est essentiel d’intervenir dans celles-ci, puisqu’y agit une avant-garde jeune radicale, qui fait rapidement l’expérience des institutions et des partis du système, rompt avec eux et est ouverte aux idées révolutionnaires. Parmi les principales organisations et idéologies concurrentes, nous pouvons signaler :

  • Les réformismes de toutes sortes, dont les appareils conservent une influence relative et dont la ligne est de ralentir et de détourner les processus progressifs de lutte et d’organisation vers les canaux institutionnels.
  • Le féminisme « radical » ou radfem, qui place le patriarcat et l’homme-macho comme l’ennemi principal, hors de la structure des classes sociales, étant ainsi fonctionnel au capitalisme.
  • La politique identitaire, qui en donnant une priorité politique et organisationnelle aux différences existantes (race, genre, migrantes, etc.) conduit au divisionnisme, affaiblit les luttes et est le courant le plus anti-parti révolutionnaire.
  • Le mandelisme, qui postule un mouvement féministe « autonome » et considère que le mouvement ouvrier a un statut similaire à celui des mouvements féministe, LGBT, écologiste ou antiraciste, et dilue le rôle dirigeant de la classe.

Face à ces positions erronées, nous postulons un féminisme militant, socialiste et révolutionnaire. L’oppression patriarcale est intrinsèque à l’exploitation capitaliste, puisque le travail domestique gratuit des femmes rapporte des bénéfices économiques à la bourgeoisie. Nous évitons également l’abstentionnisme sectaire face à ces luttes : avec plus de 40% de femmes, plus les gays, et subissant un chômage plus élevé, la précarité et des revenus plus faibles, les questions de genre font partie du quotidien de la classe ouvrière elle-même.

IX. L’importance de la jeunesse

La jeunesse est particulièrement touchée par la crise du capitalisme dans toutes ses expressions. Le chômage des jeunes dans le monde dépasse largement, et souvent double, celui de la population générale. Ils sont les plus touchés par le travail précaire et l’instabilité. Les politiques d’ajustement limitent l’accès à l’éducation publique et en dégradent la qualité. Partout dans le monde, la proportion de jeunes qui n’étudient ni ne travaillent augmente, et ils sont criminalisés, persécutés et souvent tués par les appareils répressifs des États bourgeois. Le capitalisme n’offre rien aux jeunes, il les laisse sans opportunités, sans projet, sans espoir, sans avenir.

Ce n’est pas une coïncidence si ce sont les jeunes qui arrivent le plus facilement et fréquemment à la conclusion qu’ils n’ont rien à perdre, qui sont à l’avant-garde des rébellions et des révolutions qui balaient le monde et qui soulèvent les positions les plus radicales. Les jeunes sont l’avant-garde de la montée de la lutte des classes ces dernières années. Ils ont levé et tenu la ligne de front des rébellions au Chili et en Colombie ; ils ont été à l’avant-garde de la rébellion Black Lives Matter aux États-Unis et des éruptions au Liban, en Iran et en Irak ; ils sont aujourd’hui à l’avant-garde des grèves générales et des mobilisations de masse en France et de l’insurrection au Pérou ; et en général, ils sont à l’avant-garde de tous les processus de mobilisation, de rébellions, de révolutions, ainsi que parmi les couches les plus actives et militantes du mouvement ouvrier, dans les grèves et dans les processus de renouvellement syndical.

Plus important encore, les jeunes sont la force motrice des mouvements et des luttes pour la défense de l’environnement, des droits des femmes et du mouvement LGBT, des questions qui concernent et touchent particulièrement les jeunes. Bien qu’il n’y ait pas eu de grands mouvements étudiants ces dernières années, la défense et la lutte pour l’éducation publique est également une question importante et sensible pour les jeunes.

Pour toutes ces raisons, la jeunesse a toujours été, et l’est encore plus dans cette situation de crise systémique du capitalisme et de montée de la lutte des classes, un secteur stratégique pour la construction de partis révolutionnaires. Ce n’est qu’en se liant à la jeunesse radicalisée qui constitue l’avant-garde des processus de mobilisation et en la ralliant à la voie stratégique de la révolution socialiste mondiale que nous pourrons construire nos partis et notre internationale avec le meilleur de l’avant-garde de la lutte de classe mondiale.

X. Construisons des partis avec influence de masse

et un pôle de regroupement international

La dynamique de la crise capitaliste nous dit que la seule possibilité d’interrompre la course accélérée vers la barbarie et l’extinction à laquelle nous conduit la classe dirigeante actuelle est le triomphe de la révolution socialiste mondiale. Les masses font leur part ; année après année, il y a des rébellions et des révolutions dans toutes les régions du monde. Mais dans aucune, jusqu’à présent, il n’y a eu d’organisation révolutionnaire ayant l’accumulation, l’influence, la capacité et l’intention de contester et de gagner la direction de ces processus afin de les mener vers la révolution socialiste. Cela reste le problème des problèmes.

Nous avons vu échouer toutes les tentatives de combattre ou d’éluder ce problème. Les théories autonomistes qui ont fleuri après la chute de l’URSS, selon lesquelles on pouvait changer le monde sans prendre le pouvoir, ont été maintes fois réfutées par la réalité. Chaque fois que le pouvoir est resté entre les mains de la bourgeoisie, celle-ci l’a utilisé pour écraser tous les mouvements qui le contestaient.

Aujourd’hui, certains remettent en question la validité de la construction de partis révolutionnaires en se demandant si leur objectif stratégique est possible. Si la révolution n’est pas posée, une organisation dont la raison d’être est de la diriger est inutile. Si le seul objectif est de lutter pour des améliorations démocratiques et sociales au sein du système capitaliste, il est préférable de se limiter à la construction de partis larges avec un programme limité à ces revendications.

Nous soutenons que cette perspective est erronée, sceptique, possibiliste, réformiste. La seule chose qui empêche le triomphe de la révolution socialiste à l’heure actuelle est l’absence d’organisations révolutionnaires structurées dans le mouvement ouvrier, ayant le poids nécessaire pour contester la direction des processus révolutionnaires qui se produisent réellement les uns après les autres et qui continueront à se produire. Par conséquent, notre tâche stratégique est de construire ces organisations révolutionnaires, léninistes, basées sur la formation de cadres professionnels et un régime démocratique et centralisé pour la lutte pour le pouvoir.

Comme nous ne cherchons pas à construire des sectes testimoniales mais à acquérir une influence de masse et à capter le meilleur de l’avant-garde, nous devons être ouverts à participer à certaines expériences anticapitalistes larges lorsqu’elles parviennent à capter la sympathie d’importants pans de travailleurs et de jeunes qui se tournent vers la gauche. C’est pourquoi, sans jamais perdre notre indépendance politique et organisationnelle, nous faisons partie de l’aile gauche du PSOL au Brésil. Mais nous ne pouvons pas confondre ces tactiques ou d’autres, comme le FIT-U en Argentine, avec notre stratégie, qui est de construire des partis bolcheviques. Ces tactiques sont utiles dans la mesure où elles nous aident à construire le parti révolutionnaire et l’expérience montre qu’elles ne durent pas éternellement. Nous devons nous préparer au moment où elles cesseront d’être progressistes et où la réalité nous obligera à nous délimiter.

Toutes nos organisations, des plus grandes aux plus petites, doivent avoir une orientation pour se construire dans les secteurs les plus dynamiques de la classe ouvrière et accorder une importance particulière au prolétariat industriel. A la fois pour être une référence nationale face à l’avant-garde, et pour influencer dans les périodes de montée de la lutte des classes et bien plus encore lorsqu’il y a des rébellions comme celles auxquelles nous assistons dans certains pays, il est essentiel de diriger des secteurs de notre classe. L’activité et la croissance dans la jeunesse, qui est clé pour la formation des cadres, doivent être au service stratégique de nous structurer davantage dans la classe ouvrière.

Un outil fondamental pour construire nos groupes et partis nationaux est l’existence et le dynamisme qu’a acquis notre Ligue internationale socialiste. En même temps, cette croissance que nous opérons au niveau international montre que dans le monde il y a des conditions de plus en plus favorables pour avancer dans le regroupement des révolutionnaires.

La force de la LIS réside dans son projet, qui tente de réunir dans une même organisation des camarades issu.e.s de traditions différentes, non seulement sur des bases programmatiques de principe, mais aussi et fondamentalement sur la base d’une saine méthode, de respect mutuel, sans impositions d’aucune sorte, profondément démocratique, afin d’essayer d’aller vers une nouvelle tradition qui dépasse celles existantes. Diffuser le projet de la LIS dans chacun de nos pays et donner une forte impulsion aux campagnes et initiatives internationales peut non seulement nous permettre de transformer notre groupement mondial en un pôle d’attraction, mais aussi nous aider à faire des sauts qualitatifs dans notre construction.