Le bref passage d’Elon Musk au sein de l’administration Trump résume à la fois le caractère réactionnaire du projet de Trump, ses contradictions et ses limites. Le magnat de la technologie, qui avait rejoint la campagne de Trump en 2024 puis son gouvernement, a fini par être éjecté au milieu d’une dispute publique avec le président.
Par Vince Gaynor
Après des années d’ambiguïté politique, Elon Musk a opéré un virage décisif en alignant ses entreprises et son image publique sur la campagne Trump. Depuis son réseau social X (ex Twitter), il a défendu la candidature du républicain avec un discours « anti-réveillé », nationaliste et technocratique et se situait comme une expression plus ouvertement d’extrême droite que Trump lui-même.
Dans certaines de ses premières actions politiques, Musk a testé les limites de ce qui est acceptable, avec son salut nazi notoire, par exemple. Sa participation à un événement électoral de l’Alternative pour l’Allemagne, parti d’extrême droite, a également sondé ces limites. L’objectif de ces provocations était de mesurer l’ampleur du virage à droite du spectre politique bourgeois afin d’évaluer l’ampleur d’un ajustement qui pourrait être appliqué contre les masses travailleuses.
Il commence à devenir clair que Musk a surestimé ces possibilités lorsqu’il a déclaré qu’il allait réduire d’un tiers le budget fédéral. Il semble également avoir parié sur la réalisation de politiques spécifiques en sa faveur: déréglementation environnementale et du travail pour Tesla, contrats de plusieurs millions de dollars pour SpaceX, avantages réglementaires pour X et ses autres entreprises technologiques, telles que Neuralink et xAI. En échange, il offrait au trumpisme son capital politique et médiatique, ses ressources technologiques et une plateforme à partir de laquelle amplifier son programme réactionnaire, en plus des millions de dollars qu’il a apportés à la campagne.
Après la victoire électorale, il a rejoint en tant que conseiller informel, sans poste officiel, mais avec un accès direct et de larges pouvoirs pour diriger le Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE), créé à sa convenance. En effet, l’acronyme épelle le nom de la monnaie numérique que Musk a soutenue en 2020, dans le cadre d’une autre de ses escroqueries à grande échelle.
La commission consultative présidentielle avait pour objectif de restructurer le gouvernement fédéral, d’éliminer les réglementations et de réduire les dépenses pour accroître l’efficacité du gouvernement. De son poste, Musk a proposé l’objectif ambitieux de réduire d’au moins 2 billions de dollars les dépenses fédérales, soit un tiers du total, de consolider les agences et d’éliminer les programmes jugés inutiles.
L’agence étatique USAID qui gérait l’essentiel de l’aide internationale accordée par le pays, par exemple la nourriture et les médicaments aux régions les plus pauvres du monde, a été fermée. Les économies estimées sont de 30 milliards de dollars. Il a annulé des contrats liés à la diversité, à l’équité et à l’inclusion, réduisant de 15 milliards de dollars supplémentaires. Il a coupé 10 milliards de dollars supplémentaires en licenciant des dizaines de milliers de fonctionnaires.
Les mesures cruelles de DOGE ont intensifié la souffrance des plus vulnérables tout en ne représentant aucune réduction budgétaire significative, ce qui a commencé à être considéré comme un échec de Musk.
Pendant ce temps, Musk a critiqué la politique tarifaire du président, reflétant les contradictions et les conflits d’intérêts entre les secteurs bourgeois qui soutiennent le gouvernement. Au lieu de mesures qui profitent aux entreprises de Musk, Trump en mettait en œuvre plusieurs qui lui faisaient du mal.
Le choc inévitable s’est produit lorsque Trump a présenté son projet de loi budgétaire, sa « Grande et Belle Loi » qui, contrairement à la politique d’austérité supposée, augmente considérablement les dépenses et le déficit.
Musk a critiqué publiquement le projet de loi, le qualifiant d’« abomination répugnante » en raison de ses dépenses superflues. Trump a réagi avec colère, l’accusant de trahison et le destituant de la direction de DOGE. Musk a soutenu que Trump n’aurait pas remporté l’élection sans son soutien. Trump a menacé d’annuler les contrats publics avec Tesla et Musk a menacé d’annuler les contrats de SpaceX avec l’État. En plus d’être enfantine, cette querelle entre magnats révèle les véritables enjeux qui déterminent les politiques qui plongent des millions de personnes dans la pauvreté.
Bref, l’expérience Musk-Trump s’est soldée par un échec retentissant. Tout comme les débuts de cette « bromance » ont révélé le caractère réactionnaire et oligarchique du projet Trump, le résultat montre ses contradictions et ses limites.
La principale puissance impérialiste du monde recule depuis des décennies face aux concurrents régionaux et à la Chine au niveau mondial. La bourgeoisie yankee a accepté que l’ordre précédent ne la serve plus, mais elle ne trouve pas d’orientation claire. Ils ont donné à Trump une marge de manœuvre pour tester sa proposition, mais à chaque étape, des intérêts croisés s’affrontent entre eux. Et au fond, les calculs sur l’augmentation de l’exploitation des masses laborieuses ne semblent pas du tout coïncider avec la confiance avec laquelle Trump a entamé son deuxième mandat.